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les clefs du destin
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sa vitesse derrière sa rapide compagne. Et, des sauts qu’elle faisait, et de tout ce cahotage, mon supplice devint si grand, que je me mis à pousser des hurlements épouvantables, et à lancer de telles imprécations contre ma chamelle, contre moi-même et contre tout, que le Bédouin finit par m’entendre et, revenant vers moi, il m’aida à arrêter ma chamelle, et à mettre pied à terre. Et je m’accroupis sur le sable et — daigne excuser la privauté de ton esclave, ô roi du temps ! — je donnai libre cours à la poussée de mon dedans. Et je sentis comme si toutes mes entrailles s’écroulaient. Et toute une tempête se mouvementa dans mon pauvre ventre, avec tous les tonnerres de la création, tandis que mon maître le Bédouin me disait : « Ya Hassân Abdallah, sois patient ! » Et moi, de tout cela, je tombai sur le sol, évanoui.

Et je ne sais combien de temps dura mon évanouissement. Mais lorsque je revins à moi, je me vis de nouveau sur le dos de la chamelle qui suivait sa compagne. Et c’était le soir. Et le soleil se couchait derrière une haute montagne, au pied de laquelle nous arrivions. Et nous nous arrêtâmes pour le repos. Et mon maître me dit : « Allah soit loué qui ne permet pas que nous restions à jeun aujourd’hui ! Mais toi, ne te préoccupe de rien, et reste tranquille, car mon expérience du désert et des voyages me fera trouver une nourriture saine et rafraîchissante là où tu ne pourrais recueillir que des poisons ! » Et, ayant ainsi parlé, il alla vers un buisson formé de plantes aux feuilles épaisses, charnues et couvertes d’épines, dont il se mit à couper quelques-unes avec son