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histoire du jeune nour avec la franque…
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Or, c’était précisément à ce moment-là que, les fêtes terminées et la nuit venue, le vieux borgne si laid et si dégoûtant avait pénétré dans la chambre de la princesse, pour accomplir ce qu’il avait à accomplir. Et la princesse Mariam le vit entrer, en frissonnant d’horreur, tant son aspect était repoussant. Mais, comme elle avait un plan à suivre qu’elle ne voulait pas faire échouer, elle essaya de dominer ses sentiments de répulsion et, se levant en son honneur, elle l’invita à prendre place à côté d’elle sur le divan. Et le vieux boiteux lui dit : « Ô ma souveraine, tu es la perle de l’Orient et de l’Occident, et c’est à tes pieds que je devrais plutôt me prosterner ! » Et la princesse répondit : « Soit ! mais faisons trêve de compliments. Où est le souper ? J’ai bien faim, et nous devrions, avant tout, commencer par manger ! »

Aussitôt le vieux appela les esclaves, et, en un instant, les plateaux furent servis que couvraient les mets les plus rares et les plus exquis, composés de tout ce qui vole dans les airs, nage dans les mers, marche sur les terres et pousse sur les arbres des vergers et les arbustes des parterres. Et tous deux se mirent à manger ensemble ; et la princesse se contraignait pour lui présenter les morceaux ; et le vieux était ravi de ses attentions et se dilatait quant à sa poitrine et se flattait d’arriver à ses fins bien plus aisément qu’il ne le pensait. Mais soudain il tomba sur le dos, sa tête précédant ses pieds, sans connaissance. Car la princesse avait réussi à jeter subrepticement dans la coupe une pincée de bang marocain capable de renverser un éléphant en fai-