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les mille nuits et une nuit

« Ha ! ha ! qu’on l’empale pour s’être échappé ! » Mais, à ce moment, le vizir borgne s’avança et dit au roi : « Ô roi du temps, moi également j’ai fait un vœu ! Et c’est d’immoler, à la porte de mon palais, pour attirer la bénédiction sur mon mariage, trois jeunes musulmans ! Je te prie donc de me donner les moyens d’accomplir mon vœu, en me laissant choisir trois prisonniers au milieu de la cargaison de prisonniers ! » Et le roi dit : « Par le Messie ! je ne connaissais point ton vœu ! Sans quoi, je t’aurais cédé non point trois, mais trente prisonniers ! Il ne me reste plus que celui-ci ; prends-le, en attendant qu’il en revienne d’autres ! » Et le vizir emmena Nour avec lui, dans l’intention d’arroser avec son sang le seuil de son palais ; mais, après avoir réfléchi que son vœu ne serait point entièrement rempli s’il ne sacrifiait pas les trois musulmans à la fois, il fit jeter Nour, tout enchaîné, dans l’écurie du palais, où, en attendant, il comptait le torturer par la faim et la soif.

Or, le vizir borgne avait, dans son écurie, deux chevaux jumeaux d’une beauté miraculeuse, de la plus noble race d’Arabie, et dont la généalogie était attachée à leur cou dans un petit sachet pendu à une chaîne de turquoises et d’or. L’un était blanc comme une colombe et s’appelait Sabik, et l’autre était noir comme un corbeau et s’appelait Lahik. Et ces deux merveilleux chevaux étaient fameux parmi les Francs et les Arabes, et excitaient l’envie des rois et des sultans. Cependant, un de ces chevaux avait une tache blanche sur l’œil ; et la science des plus habiles maréchaux n’avait pu parvenir à la faire disparaître.