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les mille nuits et une nuit

lançait de ses yeux, à ceux qui la regardaient, de longues flèches noires et acérées.

Or, c’est alors seulement que tu aperçus le jeune Nour, ô merveilleuse, et qu’à sa vue tu sentis le désir te mordre le foie et l’amour te bouleverser les entrailles ! Et tu t’arrêtas soudain, et tu dis à ton maître le Persan : « C’est celui-ci que je veux ! Vends-moi à lui ! » Et le Persan se retourna et aperçut à son tour le jouvenceau orné de tous les charmes de la jeunesse et de la beauté, et élégamment enveloppé d’un manteau couleur de pruneau. Et il dit à l’adolescente : « Ce jeune homme était tout à l’heure parmi les assistants, et ne s’est point avancé pour l’enchère. Comment alors veux-tu que j’aille te proposer à lui, contre sa volonté ? Ne sais-tu que cette démarche te déprécierait à l’extrême sur le marché ? » Elle répondit : « Il n’y a point d’inconvénient à la chose. Je ne veux appartenir qu’à ce bel adolescent. Et nul autre que lui ne me possédera. » Et elle s’avança résolument vers le jeune Nour et lui dit, en lui coulant un regard chargé de tentations : « Ne suis-je donc point belle, ô mon maître, pour que tu n’aies point daigné faire une offre aux enchères ? » Il répondit : « Ô ma souveraine, y a-t-il de par le monde une beauté comparable à toi ? » Elle demanda : « Pourquoi donc n’as-tu point voulu de moi, alors qu’on me proposait au plus offrant ? c’est que, sans doute, tu ne me trouves pas à ta convenance ! » Il répondit : « Qu’Allah te bénisse, ô ma maîtresse ! Certes, si j’étais dans mon pays, je t’aurais achetée moyennant toutes les richesses et tous les biens que possède ma main. Mais ici je ne suis