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les mille nuits et une nuit

avec un œil ouvert et un œil fermé. Et, rien qu’à cette vue, il eut le pressentiment qu’il avait été sa dupe, et qu’il était désormais en sa puissance. Et il se souvint des malheurs que lui avait prédits sa mère, et il se résigna aux décrets du destin, en se disant : « Je mets ma confiance en Allah ! » Puis il s’approcha du Persan, qui le laissait avancer sans bouger, et lui demanda d’une voix bien émue : « Que veut dire cela, mon père ? Et n’y a-t-il donc jamais eu entre nous le lien du pain et du sel ? » Et Bahram le Guèbre éclata de rire et s’écria : « Par le Feu et la Lumière ! Que me parles-tu de pain et de sel, à moi Bahram l’adorateur de la Flamme et de l’Étincelle, du Soleil et de la Lumière ? Et ne sais-tu que j’ai déjà eu, de cette façon, en ma puissance, neuf cent quatre-vingt-dix-neuf jeunes musulmans, que j’ai ravis, et que tu es le millième ? Mais toi, par le Feu et la Lumière ! tu es certes le plus beau d’entre tous ceux-là ! Et je ne croyais pas, ô Hassân, que tu tomberais si facilement dans mon filet ! Mais, gloire au Soleil ! te voici entre mes mains et tu verras bientôt combien je t’aime ! » Puis il ajouta : « Tu vas d’abord commencer par abjurer ta religion, et adorer ce que j’adore ! » À ces paroles, la surprise de Hassân se changea en une indignation sans limites, et il cria au magicien : « Ô cheikh de malédiction, qu’oses-tu me proposer là ? Et quelle abomination veux-tu me faire commettre ? » Lorsque le Persan vit Hassân dans une telle colère, comme il avait d’autres projets à son sujet, il ne voulut pas insister davantage ce jour-là, et il lui dit : « Ô Hassân, ce que je te proposais, en te demandant d’abjurer ta religion,