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les mille nuits et une nuit

qui s’écriaient, en me regardant : « Ô prodige ! C’est la première fois que nous voyons marcher Abou-Môhammad-les-Os-Mous ! Et c’est la première fois qu’il sort de sa maison ! »

Or, moi, lorsque je fus arrivé auprès du cheikh, je lui dis : « Ô mon oncle, est-ce toi le cheikh Mouzaffar ? » Il me dit : « À tes ordres, ô Abou-Môhammad, ô fils de mon ami le défunt ventouseur (qu’Allah l’ait en Sa grâce et en Sa pitié !) » Je lui dis, en lui tendant les cinq pièces d’argent : « Prends ces cinq drachmes, ô cheikh, et achète-m’en des marchandises de la Chine ! Et peut-être qu’ainsi, par ton entremise, cela nous sera l’occasion de nous enrichir ! » Et le cheikh Mouzaffar ne refusa point de prendre les cinq drachmes ; et il les serra dans sa ceinture, en disant : « Au nom d’Allah ! » et me dit : « Sur la bénédiction d’Allah ! » Et il prit congé de moi et de ma mère ; et, accompagné de plusieurs marchands qui s’étaient joints à lui pour le voyage, il s’embarqua pour la Chine.

Or, Allah écrivit la sécurité au cheikh Mouzaffar qui arriva sans encombre au pays de la Chine. Et il acheta, lui, ainsi que tous les marchands qui étaient avec lui, ce qu’il avait à acheter, et vendit ce qu’il avait à vendre, et trafiqua et fit ce qu’il avait à faire. Après quoi, il se rembarqua, pour le retour au pays, avec ses compagnons, sur le même navire qu’ils avaient affrété à Bassra. Et ils mirent à la voile et quittèrent la Chine.

Au bout de dix jours de navigation, le cheikh Mouzaffar, un matin, se leva soudain, et frappa de désespoir ses mains l’une contre l’autre, et s’écria