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les mille nuits et une nuit

« … Tu n’as qu’à me suivre dans mon lit. Et là tu me prouveras, sérieusement cette fois, si tu es un excellent joueur d’échecs ! » Et Anis, sautant sur ses deux pieds, répondit : « Par Allah, ô ma maîtresse, tu verras dans le lit que le roi blanc surpassera tous les cavaliers ! » Et, disant ces paroles, il l’emporta dans ses bras et, chargé de cette lune, courut dans la chambre à coucher dont la suivante Houboub lui ouvrit la porte. Et là il joua avec la jouvencelle une partie d’échecs, suivant toutes les règles d’un art consommé, et la fit suivre d’une seconde partie et d’une troisième partie, et ainsi de suite jusqu’à la quinzième partie, en faisant se comporter le roi, à tous les assauts, si vaillamment, que la jouvencelle, émerveillée à la fois et hors d’haleine, s’avoua vaincue et s’écria : « Tu as excellé, ô père des lances et des cavaliers ! » Puis elle ajouta : « Par Allah sur toi, ô mon maître, dis au roi de se reposer ! » Et, riant, elle se leva et mit fin, pour ce soir-là, aux parties d’échecs.

Alors, l’âme et le corps nageant dans l’océan des délices, ils se reposèrent un moment dans les bras l’un de l’autre. Et Zein Al-Mawassif dit à Anis : « C’est l’heure des repos bien gagnés, ô invincible Anis ! Mais je veux, pour mieux encore juger de ta valeur, savoir de toi si tu es aussi excellent dans l’art des vers que dans le jeu d’échecs ! Pourrais-tu donc disposer rythmiquement les divers épisodes de notre rencontre et de notre jeu, de façon à nous les bien fixer dans la mémoire ? » Et Anis répondit : « La chose m’est aisée, ô ma maîtresse ! » Et il s’assit sur la couche parfumée, et, pendant que Zein Al--