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les mille nuits et une nuit

oiseaux, ses camarades. Et Anis se réveilla bien affecté, et se leva et sortit à la recherche de quelqu’un qui pût lui expliquer ce songe. Mais il erra longtemps sans trouver personne. Et déjà il songeait à s’en retourner chez lui, quand il vint à passer près d’une demeure de fort belle apparence, d’où il entendit, à son approche, s’élever une voix de femme, charmante et mélancolique, qui chantait ces vers :

La douce odeur du matin frais émeut le cœur des amoureux. Mais mon cœur captif est-il le cœur libre des amoureux ?

Ô fraîcheur des matins, as-tu jamais calmé un amour égal à celui de mon cœur pour un jeune faon plus délicat que le flexible rameau du bân ?

Et Anis se sentit l’âme pénétrée des accents de cette voix ; et, sollicité par le désir de connaître celle qui la possédait, il s’approcha de la porte qui se trouvait à moitié ouverte, et regarda à l’intérieur. Et il vit un jardin magnifique où, aussi loin que s’étendait le regard, il n’y avait que parterres harmonieux, berceaux fleuris et bosquets de roses, de jasmins, de violettes, de narcisses et de mille autres fleurs, où vivait, sous le ciel d’Allah, tout un peuple chanteur.

Aussi, attiré par la pureté de ces lieux, Anis n’hésita point à franchir la porte et à s’avancer dans le jardin. Et il aperçut, tout au fond de la verdure, au bout d’une allée coupée par trois arceaux, un groupe blanc de jouvencelles en liberté…