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les mille nuits et une nuit

Lorsque Sett Zobéida eut entendu le rapport de sa nourrice, elle se tourna avec hauteur vers le khalifat et lui dit : « Avant tout, il faut pendre ton esclave Massrour, cet eunuque impertinent ! » Et le khalifat, à la limite de la perplexité, fit aussitôt venir Massrour en sa présence, et le regarda avec colère et voulut lui reprocher son mensonge. Mais Sett Zobéida ne lui on laissa pas le temps. Excitée par la présence de Massrour, elle se tourna vers sa nourrice et lui dit : « Répète, ô nourrice, devant ce fils de chien, ce que tu viens de nous dire ! » Et la nourrice, qui n’avait pu encore retrouver sa respiration, fut obligée de répéter son rapport devant Massrour. Et Massrour, irrité de ses paroles, ne put s’empêcher, malgré la présence du khalifat et de Sett Zobéida, de lui crier : « Ah ! vieille édentée, comment oses-tu mentir si impudemment, et avilir tes cheveux blancs ? Vas-tu me faire croire que je n’ai point vu de mes yeux Canne-à-Sucre morte et ensevelie ? » Et la nourrice, suffoquée, avança la tête avec fureur et lui cria : « Il n’y a de menteur que toi seul, ô nègre noir ! Ce n’est point par la pendaison qu’il faudrait te mettre à mort, mais en te coupant par morceaux et en te faisant manger ta propre chair ! » Et Massrour répliqua : « Tais-toi, vieille radoteuse ! Va raconter tes histoires aux filles du harem ! » Mais Sett Zobéida, outrée de l’insolence de Massrour, se mit soudain à éclater en sanglots, en lui jetant à la tête les coussins, les vases, les aiguières et les tabourets, et lui cracha à la figure, et finit par se jeter elle-même, anéantie, sur son lit, en pleurant.