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histoire du dormeur éveillé
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somme ! Je viens la consoler, et elle essaie de me faire de la peine et de me tromper en m’annonçant une nouvelle qu’elle sait être fausse ! Enfin, parle-lui, toi-même ! Et dis-lui ce que tu as vu et entendu comme moi ! Peut-être qu’alors elle changera de discours, et n’essaiera plus de vouloir nous donner le change ! » Et Massrour, pour obéir au khalifat, dit à la princesse : « Ô ma maîtresse, notre maître l’émir des Croyants a raison ! Aboul-Hassân est en bonne santé et en forces excellentes, mais il pleure et se lamente sur la perte de son épouse Canne-à-Sucre, ta favorite, morte cette nuit d’une indigestion ! Sache, en effet, qu’Aboul-Hassân vient de sortir à l’instant du diwân, où il était venu nous annoncer lui-même la mort de son épouse. Et il est retourné chez lui, bien désolé, et gratifié, grâce à la générosité de notre maître, d’un sac de dix mille dinars d’or, pour les frais des funérailles ! »

Ces paroles de Massrour, loin de persuader Sett Zobéida, ne firent que la confirmer dans la croyance que le khalifat voulait plaisanter, et elle s’écria : « Par Allah, ô émir des Croyants, ce n’est point aujourd’hui l’occasion de faire, selon ta coutume, des plaisanteries ! Je sais bien ce que je dis ; et ma trésorière te dira ce que les funérailles d’Aboul-Hassân me coûtent. Nous devrions plutôt prendre davantage part au deuil de notre esclave, et ne point rire, comme nous le faisons, sans tact et sans mesure ! » Et le khalifat, à ces paroles, sentit la colère l’envahir et s’écria : « Que dis-tu, ô fille de l’oncle ? Par Allah, serais-tu donc devenue folle, pour dire de pareilles choses ? Je te dis que c’est Canne-à-Sucre