Il se tourna alors vers une des jeunes esclaves qui étaient présentes, et, lui faisant signe d’approcher, lui tendit un doigt en lui disant : « Mords ce doigt ! Je verrai bien si je dors ou si je suis éveillé ! » Et l’adolescente, qui savait que le khalifat voyait et entendait tout ce qui se passait, se dit en elle-même : « Voilà pour moi l’occasion de montrer à l’émir des Croyants ce que je sais faire pour le divertir ! » Et, serrant les dents de toutes ses forces, elle mordit le doigt jusqu’à l’os. Et Aboul-Hassân, poussant un cri de douleur, s’écria : « Aïe ! Ah ! je vois bien que je ne dors pas ! Certes ! je ne dors pas ! » Et il demanda à la même jeune fille : « Peux-tu, toi, me dire si tu me reconnais, et si vraiment je suis celui qu’on a dit ? » Et l’esclave répondit, en étendant les bras : « Le nom d’Allah sur le khalifat et autour de lui ! Tu es, ô mon seigneur, l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid, le vicaire d’Allah ! »
À ces paroles, Aboul-Hassân s’écria : « Te voilà devenu en une nuit le vicaire d’Allah, ô Aboul-Hassân, ô fils de ta mère ! » Puis, se ravisant, il cria à la jeune fille : « Tu mens, ô chiffon ! Est-ce que je ne sais pas bien, moi, qui je suis ? »
Mais, à ce moment, le chef eunuque s’approcha du lit et, après avoir embrassé trois fois la terre, se releva et, courbé en deux, s’adressa à Aboul-Hassân et lui dit : « Que notre maître me pardonne ! Mais c’est l’heure habituelle où notre maître va satisfaire ses besoins au cabinet ! » Et il passa le bras sous son aisselle, et l’aida à sortir du lit. Et, dès qu’il fut debout sur ses pieds, la salle et le palais retentirent du cri par lequel le saluaient tous les assistants :