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les mille nuits et une nuit

Quand se leva le matin, le roi sortit et entra au diwan, et fut entouré par les émirs, les vizirs et les chambellans Or, parmi les vizirs, il y avait un vizir d’aspect repoussant, au visage sinistre et de mauvais augure, terrible, sordidement avare, envieux et pétri de jalousie et de haine. Lorsque ce vizir vit le roi placer à ses côtés le médecin Rouiane et lui accorder tous ses bienfaits, il en fut jaloux et résolut secrètement sa perte, d’après le proverbe qui dit : « L’envieux s’attaque à toute personne, l’oppression se tient en embuscade dans le cœur de l’envieux : la force la révèle et la faiblesse la tient latente. » Le vizir s’approcha alors du roi Iounane, baisa la terre entre ses mains, et dit : « Ô roi du siècle et du temps, toi qui enveloppas les humains de tes bienfaits, tu as chez moi un conseil de prodigieuse importance, et que je ne saurais te cacher sans être vraiment un fils adultérin : si tu m’ordonnes de te le révéler, je te le révélerai ! » Alors le roi, tout troublé par les paroles du vizir, dit : « Et quel est ton conseil ? » Il répondit : « Ô roi glorieux, les anciens ont dit : Celui qui ne regarde pas la fin et les conséquences, n’aura pas la fortune comme amie, — et je viens justement de voir le roi manquer de jugement, en accordant ses bienfaits à son ennemi, à celui qui désire l’anéantissement de son règne, en le comblant de faveurs, en l’accablant de générosités. Or, moi, je suis, à cause de cela, dans la plus grande crainte pour le roi ! » À ces paroles, le roi fut extrêmement troublé, changea de couleur, et dit : « Quel est celui que tu prétends être mon ennemi, et qui aurait été comblé de mes faveurs ? » Il répondit : « Ô roi, si tu