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histoire du pêcheur avec l’éfrit
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Haut. Puis il donna ses ordres aux genn fidèles, qui m’enlevèrent sur leurs épaules et me jetèrent au milieu de la mer. Je séjournai cent ans au fond de l’eau, et je disais en mon cœur : « J’enrichirai éternellement celui qui me délivrera ! » Mais les cent années passèrent et personne ne me délivra. Quand j’entrai dans la seconde période de cent années, je me dis : « Je découvrirai et donnerai les trésors de la terre à celui qui me délivrera ! » Mais personne ne me délivra. Et quatre cents années s’écoulèrent, et je me dis : « J’accorderai trois choses à celui qui me délivrera ! » Mais personne ne me délivra ! Alors je me mis dans une effroyable colère, et je dis en mon âme : « Maintenant je tuerai celui qui me délivrera, mais je lui accorderai le choix de sa mort ! » C’est alors que toi, ô pêcheur, tu vins me délivrer. Et je t’accordai de choisir ton genre de mort !

À ces paroles de l’éfrit, le pêcheur dit : « Ô Allah ! quelle chose prodigieuse ! Il a fallu que ce fût juste moi qui l’aie délivré ! Ô éfrit, fais-moi grâce et Allah te le rendra ! Mais, si tu me fais périr, Allah te suscitera quelqu’un pour te faire périr à ton tour. » Alors l’éfrit lui dit : « Mais si je veux te tuer, c’est justement parce que tu m’as délivré ! » Et le pêcheur dit : « Ô cheikh des afarit, est-ce ainsi que tu me rends le mal pour le bien ! Aussi le proverbe ne ment point ! » Et le pêcheur récita des vers sur ce sujet :

Veux-tu goûter à l’amertume des choses ? — sois bon et serviable.

Oui, je te le jure sur ma vie ! les scélérats ignorent toute gratitude.