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histoire du pêcheur avec l’éfrit
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et la perdition, aveuglément ! Va, cesse les travaux pénibles ; car la Fortune n’aime pas le mouvement !

Puis il retira le filet, en exprima l’eau, et lorsqu’il eut fini de l’exprimer, il étendit ce filet. Puis il descendit dans l’eau et dit : « Au nom d’Allah ! » et jeta de nouveau le filet dans l’eau, et attendit que le filet eût touché le fond ; il essaya alors de le retirer, mais il constata que le filet était fort pesant et adhérait encore plus au fond que la première fois. Aussi crut-il que c’était du gros poisson. Il attacha alors le filet à terre, se dévêtit, plongea, et fit tant qu’il le retira ; et, l’ayant porté sur le rivage, il y trouva une jarre énorme remplie de boue et de sable. À cette vue, il se lamenta et récita quelques vers :

Ô vicissitudes du sort, assez ! Et prenez les humains en pitié !

Quelle tristesse ! Sur la terre, nulle récompense n’est égale au mérite et n’est digne de l’action.

Des fois, je sors de ma maison pour, naïvement, chercher la Fortune. Et on m’apprend qu’il y a longtemps que la Fortune est morte.

Misère ! est-ce ainsi, ô Fortune, qu’à l’ombre tu relègues les sages pour laisser les sots gouverner le monde ?

Puis il jeta la jarre loin de lui, tordit le filet, le nettoya, demanda pardon à Allah pour son mouvement de révolte, et revint vers la mer une troisième fois ; il jeta le filet, attendit que le filet eût atteint le fond et, l’ayant retiré, il y trouva des pots cassés