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les mille nuits et une nuit

parut pour toute la nuit, et revint vers le matin, et me dit : « Ne me reconnais-tu pas ? Je suis ton épouse ! Je t’ai enlevé, et t’ai sauvé de la mort, avec la permission d’Allah le Très-Haut. Car, sache-le bien, je suis une gennia[1]. Et, dès l’instant que je t’ai aperçu, mon cœur t’a aimé, simplement parce qu’Allah l’a voulu et que je suis une croyante en Allah et en son Prophète, qu’il [le Prophète] soit béni et préservé par Allah ! Lorsque je suis venue à toi dans la pauvre condition où j’étais, tu as bien voulu tout de même te marier avec moi. Et alors, moi, en retour, je t’ai sauvé de cette mort dans l’eau. Quant à tes frères, je suis pleine de fureur contre eux, et certainement il faut que je les tue ! »

À ces paroles, je fus fort stupéfait, et je la remerciai pour son acte, et je lui dis : « Quant à la perte de mes frères, vraiment il ne faut pas ! » Puis je lui racontai ce qui m’était advenu avec eux depuis le commencement jusqu’à la fin. Lorsqu’elle eut entendu mes paroles, elle dit : « Moi, cette nuit, je m’envolerai vers eux et je ferai sombrer leur navire : et ils périront ! » Je lui dis : « Par Allah sur toi ! ne le fais point, car le Maître des Proverbes dit : Ô bienfaiteur d’un homme indigne ! sache que le criminel est puni suffisamment par son crime même ! Or, quoi qu’il en soit, ils sont tout de même mes frères ! » Elle dit : « Il faut absolument que je les tue ! » Et j’implorai vainement son indulgence. Après quoi, elle me prit sur ses épaules, et s’envola, et me déposa sur la terrasse de ma maison.

Alors j’ouvris les portes de ma maison. Puis je

  1. Féminin de genni.