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les mille nuits et une nuit

vous imiter ? » Alors ils se mirent à me faire des reproches ; mais sans fruit, car je ne leur obéis point. Au contraire, nous continuâmes à rester dans nos boutiques respectives, à vendre et à acheter, durant une année entière. Mais alors ils recommencèrent à me proposer le voyage, et moi je continuai à ne pas accepter — et cela dura ainsi six années entières. Enfin je finis par tomber d’accord avec eux pour le départ, et leur dis : « Ô mes frères, comptons ce que nous avons d’argent. » Nous comptâmes et nous trouvâmes en tout six mille dinars. Je leur dis alors : « Enfouissons-en la moitié sous terre, pour pouvoir l’utiliser si un malheur nous atteignait. Et prenons chacun mille dinars pour faire le commerce en petit. » Ils répondirent : « Qu’Allah favorise l’idée ! » Alors je pris l’argent, je le divisai en deux parties égales, j’enfouis trois mille dinars, et, quant aux trois mille autres, je les distribuai judicieusement à chacun de nous trois. Puis nous fîmes nos emplettes de marchandises diverses, nous louâmes un navire, nous y transportâmes tous nos effets, et nous partîmes.

Le voyage dura un mois entier, au bout duquel nous entrâmes dans une ville où nous vendîmes nos marchandises ; et nous fîmes un bénéfice de dix dinars pour chaque dinar ! Puis nous quittâmes cette ville.

Comme nous arrivions au bord de la mer, nous trouvâmes une femme, vêtue d’habits vieux et usés, qui s’approcha de moi, me baisa la main et me dit : « Ô mon maître, peux-tu me secourir et me rendre service ? et je saurai bien, en retour, reconnaître ton