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histoire du marchand avec l’éfrit
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sième. Or, lorsque mourut notre père, il nous laissa en héritage trois mille dinars[1]. Et moi, avec ma part, j’ouvris une boutique où je me mis à vendre et à acheter. Et l’un de mes frères se mit à voyager pour faire le commerce, et s’absenta loin de nous la longueur d’une année, avec les caravanes. Quand il revint, il n’avait plus rien. Alors je lui dis : « Ô mon frère, ne t’avais-je pas conseillé de ne point voyager ? » Alors il se mit à pleurer et dit : « Ô mon frère, Allah, qui est puissant et grand, a permis que cela m’arrivât. Aussi tes paroles maintenant ne peuvent plus m’être profitables, car je ne possède plus rien. » Alors je l’emmenai avec moi à la boutique, puis je le conduisis au hammam, et lui donnai une robe magnifique de première qualité. Ensuite nous nous assîmes ensemble pour manger ; puis je lui dis : « Ô mon frère, je vais faire le compte du gain de ma boutique d’une année à l’autre ; et, sans toucher au capital, je diviserai ce gain par moitié entre moi et toi ! » Et, en effet, je fis le compte du gain rapporté par l’argent de la boutique, et je trouvai pour cette année-là un bénéfice de mille dinars. Alors je remerciai Allah, qui est puissant et grand, et je me réjouis de la plus intense joie. Puis je divisai le gain en deux parties égales entre mon frère et moi. Et nous demeurâmes ensemble des jours et des jours.

Mais, de nouveau, mes frères résolurent de partir, et ils voulurent me faire partir avec eux. Mais je n’acceptai point, et leur dis : « Qu’avez-vous donc gagné, vous autres, à voyager, pour que je sois tenté de

  1. Le dinar, près de dix francs de notre monnaie.