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histoire du vizir noureddine…
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dont ils avaient besoin et aussi pour vendre les choses rapportées d’Égypte ; et ils ne manquèrent pas d’aller prendre des bains dans les hammams fameux et d’aller à la mosquée des Bani-Ommiah[1], située au centre de la ville et qui n’a pas sa pareille dans le monde entier.

Quant à Agib, lui aussi, accompagné du bon eunuque Saïd, il alla se distraire en ville. Et l’eunuque marchait à quelques pas derrière lui et tenait à la main un fouet capable d’assommer un chameau ; car il connaissait de réputation les habitants de Damas et voulait avec ce fouet les empêcher de s’approcher du joli Agib, son maître. Et, en effet, il ne se trompait pas ; car, à peine eurent-ils vu le bel Agib, les habitants de Damas remarquèrent combien il était gracieux et charmant, et qu’il était plus doux que la brise du Nord, plus délicieux au goût que l’eau fraîche au palais de l’altéré, plus exquis que la santé au convalescent ; et aussitôt tous les gens de la rue et des maisons et des boutiques se mirent à courir derrière Agib et l’eunuque, et à suivre Agib tout le temps sans le quitter, malgré le grand fouet de l’eunuque ; et d’autres couraient encore plus vite, dépassaient Agib, et s’asseyaient par terre sur son passage pour le contempler mieux et plus longuement. Enfin, par la volonté du Destin, Agib et l’eunuque arrivèrent devant une boutique de pâtissier, et, pour échapper à cette foule indiscrète, ils s’arrêtèrent.

Or, cette boutique était justement celle de Hassan Badreddine, père d’Agib. Le vieux pâtissier, le père

  1. Les Bani-Ommiah ou Ommiades, dynastie de khalifes, à Damas.