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histoire du roi schahriar…
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se mit à lui parler avec expansion. Mais le roi Schahzaman se souvenait de l’aventure de son épouse, et un nuage de chagrin lui voilait la face ; et jaune était devenu son teint et faible son corps. Aussi, lorsque le roi Schahriar le vit dans cet état, il pensa en son âme que cela était dû à l’éloignement du roi Schahzaman hors de son pays et de son royaume et, ne lui demandant plus rien à ce sujet, il le laissa à sa voie. Mais, un de ces jours, il lui dit : « Ô mon frère, je ne sais ! mais je vois ton corps maigrir et ton teint jaunir ! Il répondit : « Ô mon frère, j’ai en mon être intime une plaie vive. » Mais il ne lui révéla pas ce qu’il avait vu faire à son épouse. Le roi Schahriar lui dit : « Je désire fort que tu partes avec moi à la chasse à pied et à courre, car peut-être ainsi se dilatera ta poitrine. » Mais le roi Schahzaman ne voulut point accepter ; et son frère partit seul à la chasse.

Or, il y avait, dans le palais du Roi, des fenêtres ayant vue sur le jardin, et, comme le roi Schahzaman s’y était accoudé pour regarder, la porte du palais s’ouvrit et en sortirent vingt esclaves femmes et vingt esclaves hommes ; et la femme du Roi, son frère, était au milieu d’eux qui se promenait dans toute son éclatante beauté. Arrivés à un bassin, ils se dévêtirent tous et se mêlèrent entre eux. Et soudain la femme du Roi s’écria : « Ô Massaoud ! Ya Massaoud ! » Et aussitôt accourut vers elle un solide nègre noir qui l’accola ; et elle aussi l’accola. Alors le nègre la renversa sur le dos et la chargea. À ce signal, tous les autres esclaves hommes firent de même avec les femmes. Et tous continuèrent longtemps ainsi et ne mirent fin à leurs baisers, accolades, copulations et autres choses semblables qu’avec l’approche du jour.

À cette vue, le frère du Roi dit en son âme : « Par Allah ! ma calamité est bien plus légère que cette calamité-ci ! » Et aussitôt il laissa s’évanouir son affliction et son chagrin, en se disant : « En vérité, cela est plus énorme que