Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 1, trad Mardrus, 1918.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
les mille nuits et une nuit

Mais, par ma tête ! je vais te forcer à la donner en mariage, en dépit de ton nez, au plus misérable de mes gens ! Or, le sultan avait un petit palefrenier contrefait et bossu, avec une bosse par devant et une bosse par derrière. Le sultan le fit venir sur l’heure, fit écrire son contrat de mariage avec la fille du vizir Chamseddine, malgré les supplications du père ; puis il ordonna au petit bossu de coucher la nuit même avec la jeune fille. De plus, le sultan ordonna que l’on fît une grande noce en musique.

« Quant à moi, ma sœur, sur ces entrefaites, je les laissai ainsi, au moment où les jeunes esclaves du palais entouraient le petit bossu, et lui décochaient des plaisanteries égyptiennes très drôles, et tenaient déjà, chacun à la main, les chandelles de la noce allumées pour accompagner le marié. Quant au marié, je le laissai en train de prendre son bain au hammam, au milieu des railleries et des rires des jeunes esclaves qui disaient : « Pour nous, nous préférerions tenir l’outil d’un âne pelé que le zebb piteux de ce bossu ! » Et, en effet, ma sœur, il est bien laid, ce bossu, et fort dégoûtant. » Et le genni, à ce souvenir, cracha par terre en faisant une horrible grimace. Puis il ajouta : « Quant à la jeune fille, c’est la plus belle créature que j’aie vue dans ma vie. Je t’assure qu’elle est encore plus belle que cet adolescent. Elle s’appelle d’ailleurs Sett El-Hosn[1], et elle l’est ! Je l’ai laissée qui pleurait amèrement, loin de son père auquel on a défendu d’assister à la fête. Elle est toute seule, dans la fête, au milieu des joueurs d’instruments, des danseuses et des chanteuses ; le

  1. La Souveraine de Beauté.