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histoire du vizir noureddine…
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d’autres amis que ceux que tu laisses ! Va ! sors des maisons et dresse tes tentes ! Habite sous la tente ! C’est là, et rien que là, qu’habitent les délices de la vie !

Dans les demeures stables et civilisées, il n’y a point de ferveur, il n’y a point d’amitié ! Crois-moi ! fuis ta patrie ! déracine-toi du sol de ta patrie ! et enfonce-toi dans les pays étrangers !

Écoute ! j’ai remarqué que l’eau qui stagne se pourrit ! Elle pourrait tout de même guérir de sa pourriture en se remettant à courir ! Mais autrement elle est incurable !

J’ai observé aussi la lune dans son plein, et j’ai appris le nombre de ses yeux, de ses yeux de lumière ! Mais si je ne m’étais donné la peine de faire le tour de ses révolutions dans l’espace, aurais-je connu les yeux de chaque quartier, les yeux qui me regardaient ?

Et le lion ? Aurais-je pu chasser le lion à courre si je n’étais sorti de la forêt touffue ?… Et la flèche ? Serait-elle meurtrière, la flèche, si elle ne s’était détachée avec force de l’arc bandé ?

Et l’or ou l’argent ? Ne seraient-ils point comme une vile poussière, si l’on ne les tirait de leurs gisements ? Et quant au luth harmonieux, tu le sais ! Il ne serait qu’une bûche de bois, si l’ouvrier ne l’avait déraciné de la terre pour le façonner !

Expatrie-toi donc et tu seras aux sommets ! Mais si tu restes attaché à ton sol, jamais tu ne pourras parvenir aux hauteurs !

Lorsqu’il finit de dire les vers, il ordonna à un de