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histoire de la femme coupée…
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une grande émotion de joie, et s’écria : « Ô Libérateur ! » Puis il ordonna qu’on fit venir Rihan le nègre. Et Rihan vint, et Giafar lui demanda : « D’où cette pomme ? » Il répondit : « Ô mon maître, il y a cinq jours, en marchant à travers la ville, j’entrai dans une ruelle, et je vis des enfants jouer et, parmi eux, il y en avait un qui tenait cette pomme ; je la lui ravis, et je le frappai ; alors il pleura et me dit : « Elle est à ma mère. Et ma mère est malade. Elle avait eu envie d’une pomme, et mon père était parti la lui chercher à Bassra, avec deux autres pommes, au prix de trois dinars d’or. Et, moi, je pris l’une pour en jouer. » Puis il se mit à pleurer. Mais moi, sans tenir compte de ses pleurs, je vins à la maison avec cette pomme et je la donnai pour deux dinars à ma maîtresse ta petite ! »

À ce récit, Giafar fut dans le plus grand étonnement de voir survenir tous ces troubles et la mort de la jeune femme par la faute de son nègre Rihan. Aussi ordonna-t-il qu’il fût jeté tout de suite au cachot. Puis il se réjouit d’avoir ainsi échappé lui-même à une mort certaine, et il récita ces deux vers :

Si tes malheurs ne sont dus qu’à ton esclave, comment ne songes-tu point à te débarrasser de cet esclave ?

Ne sais-tu que les esclaves pullulent, mais que ton âme est une et ne peut être remplacée !

Mais il se ravisa, et prit le nègre et l’emmena devant le khalifat, à qui il raconta l’histoire.

Et le khalifat Haroun Al-Rachid fut si émerveillé