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les mille nuits et une nuit

qu’il me renversa, et il s’approcha de moi, et abaissa son aile vers mon visage, et enfonça le bout de son aile dans mon œil gauche, et me l’abîma irrémédiablement. Puis il s’envola dans les airs et disparut.

Et moi, je mis ma main sur mon œil perdu, et je marchai de long en large sur la terrasse en me lamentant et en secouant ma main de douleur ! Et tout à coup, je vis apparaître les dix jeunes hommes qui, en me voyant, me dirent : « Tu n’as pas voulu nous écouter ! Et voilà le fruit de ta funeste résolution. Et nous ne pouvons te recevoir au milieu de nous, car nous sommes déjà dix. Mais, en suivant telle et telle route, tu arriveras dans la ville de Baghdad chez l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid, dont la renommée est arrivée jusqu’à nous, et ta destinée sera entre ses mains ! »

Et je partis, et je voyageai jour et nuit, après avoir rasé ma barbe et pris ces habits de saâlouk, pour n’avoir pas à supporter d’autres malheurs, et je ne cessai de marcher jusqu’à ce que je fusse arrivé dans cette demeure de paix, Baghdad, et je trouvai ces deux borgnes-ci, et je les saluai et leur dis : « Je suis un étranger. » Et ils me répondirent : « Nous aussi, nous sommes étrangers. » Et c’est ainsi que nous arrivâmes tous trois dans cette maison bénie, ô ma maîtresse !

Et telle est la cause de mon œil perdu et de ma barbe rasée ! »


À cette histoire extraordinaire, la jeune maîtresse de la maison dit au troisième saâlouk : « Allons !