Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 1, trad Mardrus, 1918.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
les mille nuits et une nuit

et par la vérité du seul Vrai ! Et, par la vérité du nom d’Allah le Tout-Puissant, reviens à ta première image ! »

Alors je devins un être humain, comme par le passé, mais je restai borgne ! Alors la jeune fille, en manière de consolation, me dit : « Le feu est redevenu feu, mon pauvre enfant ! » Et elle dit la même chose à son père, qui avait la barbe brûlée et les dents tombées ! Puis elle dit : « Quant à moi, ô père, je dois fatalement mourir, car cette mort m’a été écrite ! Pour ce qui est de l’éfrit, je n’aurais pas eu tant de peine à l’anéantir s’il avait été un simple être humain ; je l’aurais tué dès la première fois ! Mais ce qui me fatigua et me donna de la peine, c’est l’éparpillement des grains de la grenade, car le grain que je n’avais pas pu d’abord becqueter était justement le grain principal, qui contenait, à lui seul, l’âme du genni ! Ah ! si j’avais pu l’attraper, ce grain, cet éfrit aurait été anéanti à l’instant même. Mais, hélas ! je ne l’avais pas vu. Car c’était la fatalité du destin ! Et c’est ainsi que j’ai été obligée de lui livrer tant de terribles batailles sous terre, dans l’air et dans l’eau ; et, chaque fois qu’il ouvrait une porte de salut, je lui ouvrais une porte de perdition, jusqu’à ce qu’il ouvrît enfin la terrible porte du feu ! Or, quand la porte du feu est une fois ouverte, on doit mourir ! Mais le destin me permit tout de même de brûler l’éfrit avant d’être brûlée moi-même ! Mais, avant de le tuer, je voulus le décider à embrasser notre foi, qui est la sainte religion des Islams ; mais il refusa, et je le brûlai ! Et moi, à mon tour, je vais mourir ! Et Allah tiendra ma place auprès de vous autres et vous consolera ! »