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histoire du portefaix…
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vaient tous les mets qu’une âme peut souhaiter et désirer, et toutes les choses qui font les délices des yeux. Et le roi me fit signe de manger. Alors je me levai et je baisai la terre entre ses mains à sept reprises différentes, et je m’assis très poliment, et je me mis à manger en me rappelant toute mon éducation passée.

Lorsqu’on leva la nappe, je me levai, moi aussi, pour aller me laver les mains ; puis je revins, après m’être lavé les mains, et je pris l’encrier, le calam et une feuille de parchemin, et j’écrivis deux strophes sur l’excellence des pâtisseries arabes :

Ô pâtisseries, douces, fines et sublimes pâtisseries enroulées par les doigts ! Vous êtes la thériaque, antidote de tout poison ! En dehors de vous, pâtisseries, je ne saurais aimer jamais rien ; et vous êtes mon seul espoir, toute ma passion !

Ô frémissements de mon cœur à la vue d’une nappe tendue où, en son milieu, s’aromatise une kenafa[1] nageant au milieu du beurre et du miel, dans le grand plateau !

Ô kenafa ! kenafa amincie en une chevelure appétissante, réjouissante ! mon désir, le cri de mon désir vers toi, ô kenafa, est extrême ! Et je ne pourrais, au risque de mourir, passer un jour de ma vie sans toi sur ma nappe, ô kenafa, ya kenafa !

Et ton sirop ! ton adorable, délicieux sirop ! Haï ! en mangerais-je, en boirais-je jour et nuit, que j’en reprendrais dans la vie future !

Après quoi, je déposai le calam et la feuille, et je

  1. Sorte de pâtisserie faite avec des filets très fins de vermicelle.