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les mille nuits et une nuit

d’ici. Prends-le en dehors de la ville, tue-le, et laisse-le là manger par les bêtes fauves. »

Alors le porte-glaive m’emmena et s’en alla jusqu’à ce qu’il sortit de la ville. Il me tira alors de la caisse, lié des mains et enchaîné des pieds, et voulut me bander les yeux avant de me mettre à mort. Alors je me mis à pleurer et à réciter ces strophes :

Je t’ai pris comme une cuirasse à toute épreuve pour me garantir des javelots ennemis : et tu as été toi-même le fer de lance, le fer aigu, qui transperce !

Pour moi, quand la puissance était mon lot, ma main droite, qui devait punir, s’abstenait, en passant l’arme à ma main gauche impuissante. Ainsi j’agissais.

Épargnez-moi donc, de grâce, les reproches cruels et les blâmes, et laissez mes ennemis seulement me lancer les flèches de douleur !

À ma pauvre âme éprouvée par les tortures ennemies, accordez le don du silence, et ne la comprimez pas par la dureté des paroles et leur poids !

— J’ai pris mes amis pour me servir de solides cuirasses ! Ils le furent ! Mais contre moi, entre les mains de mes ennemis !

Je les ai pris pour me servir de flèches meurtrières ! Ils le furent ! Mais dans mon cœur !

J’ai cultivé des cœurs avec ferveur pour les rendre fidèles. Ils furent fidèles ! Mais en d’autres amours !

Je les ai soignés avec toute ma ferveur pour qu’ils soient constants ! Ils furent constants ! Mais dans la trahison !