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histoire du portefaix…
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Laisse les destinées s’accomplir, et n’essaie de remédier qu’aux actions des juges de la terre !

Devant toute chose n’aie point de joie et n’aie point d’affliction, car les choses ne sont point éternelles !

Nous avons accompli notre destinée, nous avons suivi à la lettre les lignes qui pour nous ont été écrites par le Sort ; car celui pour qui une ligne a été tracée par le Sort ne saurait que la parcourir.

Le saâlouk continua ainsi :

Lorsque j’abîmai ainsi irrémédiablement l’œil du vizir, le vizir n’osa rien dire, car mon père était le roi de la ville.

Et telle était la cause de l’inimitié entre moi et lui.

Quand donc, les bras liés, je fus amené devant lui, il ordonna de me couper le cou ! Alors je lui dis : « Vas-tu me tuer sans un crime de moi ? » Il répondit : « Et quel crime plus considérable que celui-ci ? » Et il me fit signe vers son œil perdu. Alors je lui dis : « Je fis cela par mégarde. » Mais il me répondit : « Si, toi, tu le fis par mégarde, moi, je le ferai d’une façon préméditée ! » Puis il s’écria : « Qu’on l’amène entre mes mains ! » Et on m’amena entre ses mains.

Alors il allongea la main et enfonça son doigt dans mon œil gauche, et me l’abîma complètement.

Et c’est depuis ce temps-là que je suis borgne, comme vous le voyez tous.

Après cela, le vizir me fit lier et mettre dans une caisse. Puis il dit au porte-glaive : « Je te confie celui-ci. Sors ton sabre du fourreau. Et emmène-le