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les mille nuits et une nuit

un peu de provisions pour le voyage ! » Puis il réitéra sa demande une deuxième et une troisième fois ; mais n’entendant pas de réponse, il se raffermit le cœur et se fortifia l’âme et pénétra par le corridor jusqu’au milieu du palais. Et il n’y trouva personne. Mais il vit que tout le palais était somptueusement tendu de tapisseries, et qu’au milieu de la cour intérieure il y avait un bassin surmonté de quatre lions en or rouge et qui laissaient l’eau jaillir de leur gueule en perles éclatantes et en pierreries ; tout autour il y avait de nombreux oiseaux qui ne pouvaient s’envoler hors du palais, empêchés par un large filet qui s’étendait au-dessus du palais. Et le roi s’émerveilla de tout cela, mais il s’affligea de ne pouvoir trouver personne qui pût lui révéler enfin l’énigme du lac, des poissons, des montagnes et du palais. Puis il s’assit entre deux portes en songeant profondément. Mais tout à coup il entendit une plainte faible qui venait comme d’un cœur triste, et il entendit une voix douce qui chantonnait en sourdine ces vers :

Mes souffrances ! oh ! je n’ai pu les tenir secrètes, et mon mal d’amour fut révélé. Et maintenant le sommeil de mes yeux s’est changé en insomnie dans la nuit.

Oh, l’amour ! Il est venu à ma voix, mais aussi quelles tortures à mes pensées !

Pitié ! Laisse-moi goûter le repos ! Et surtout ne t’en va pas visiter Celle qui est toute mon âme, pour la faire souffrir ! Car Elle est ma consolation dans les peines et les périls !