Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lorsque les Séleucides eurent joint la Palestine à leur immense empire, les Juifs vivaient en paix à Jérusalem, ayant su gagner la faveur des Ptolémées leurs maîtres. Ils étaient gouvernés par le grand prêtre, assisté, selon la mode sémitique, par un conseil des anciens, qu’on pouvait assimiler au sénat (γερουσία) des cités grecques régies par l’aristocratie. Le contrôle des rois d’Égypte s’exerçait surtout par des inspecteurs des finances, chargés de recueillir l’impôt. La découverte par M. Edgar des papyrus de Zénon a jeté une lumière nouvelle sur l’administration des Ptolémées en Palestine[1]. On y constate que la tentative de syncrétisme religieux inaugurée en Égypte par le culte de Sérapis s’étendait sur la côte de Phénicie. Mais rien n’y indique que les rois d’Égypte soient sortis de cette large tolérance qu’on savait qu’ils avaient pratiquée à Jérusalem. Pourvu qu’on payât les impôts et les taxes, les Juifs étaient libres de pratiquer leur culte et n’étaient nullement inquiétés.

Cependant leur petit état demeurait comme un îlot isolé dans les montagnes, entouré de nations païennes et complètement acquises à l’hellénisme, tout en conservant leurs dévotions locales qui s’alliaient aisément aux cultes grecs[2]. A l’ouest, toute la plaine était païenne, et même les premiers contreforts des montagnes, Accaron et Gazara, l’ancienne Gazer donnée par le Pharaon à Salomon en dot pour sa fille[3]. Au nord, Samarie, l’ennemie héréditaire, avait été colonisée par Alexandre[4], et, avec son temple du Garizim et son sacerdoce schismatique, se montrait plus hostile que jamais. C’est plutôt au delà de Samarie dans la grande plaine qui va du Jourdain à la mer, et sur les bords du lac de Gennesareth que les Juifs avaient gagné quelque influence. Au delà du Jourdain, le pays avait mieux gardé son ancienne physionomie, à cause du voisinage des nomades, mais les Nabatéens qui commençaient à remplacer Ammon et Moab, n’étaient pas plus sympathiques aux Juifs pour avoir conservé leurs dieux nationaux, et pour céder moins aisément au prestige de la Grèce. Au sud, à Hébron, les Édomites, ces frères ennemis, avaient hellénisé leur nom (Ἰδουμαῖοι), tout en conservant Kos pour dieu national. On a constaté récemment leur présence, mêlés à des Sidoniens, tous ayant plus ou moins fusionné avec les Grecs, près de la forteresse macédonienne

  1. La Palestine dans les papyrus ptolémalques de Gerza, par le P. Vincent dans la RB. 1920 ; p. 161-202 ; cf. 1923, p. 409 ss. ; 1924, p. 566 ss. ; 1927, p. 145 ss. ; 475 s.
  2. Voir dans Schürer, ii, 94-222, l’admirable catalogue des villes hellénistiques.
  3. I Rois, ix, 15-17.
  4. D’après Eusèbe, Chron., éd. Schoene, ii, 114. Alexandre châtia sévèrement ceux des Samaritains qui avaient brûlé vif son légat Andromaque (Quinte Curce, iv, 9). Le plus sûr moyen de les réduire était d’y installer les Macédoniens. Rien dans la suite ne confirme ce qui ne fut sans doute qu’un pieux rêve du Pseudo-Hécatée (Jos. c. Apion, ii, 4) qu’Alexandre avait donné aux Juifs la Samarie exempte de tribut. C’est seulement Démétrius II qui détacha de la Samarie trois districts éloignés de la capitale pour les joindre à la Judée.