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empire à une certaine unité, presque à la monarchie d’un Dieu suprême. Mais il restait encore trop de dieux.

Les Perses durent remarquer de bonne heure dans cette grouillante Babylone un groupement particulier qui avait conservé ses usages et sa religion. Sympathiques comme ennemis de la dynastie de Nabuchodonosor, les exilés du pays d’Israël le furent encore bien davantage par l’analogie de leurs coutumes religieuses. Les anciens percevaient parfaitement ces modalités, nous ne pouvons plus le méconnaître. La circoncision, le sabbat étaient assurément des coutumes étranges, mais après tout inoffensives. Le Dieu des Israélites était le Dieu du ciel qu’on adorait sans images : il ressemblait donc à Ahura-Mazda. A Babylone, il ne demeurait pas dans un temple, on ne lui offrait pas de sacrifices sanglants : usages assurément louables aux yeux des Perses. Et si ces sacrifices se pratiquaient à Jérusalem, un Perse pouvait le tolérer comme il tolérait les autres temples et leurs cultes. Rien ne s’opposait donc à ce que Cyrus permît aux captifs de Judée de rentrer chez eux et d’y rebâtir leur autel, et même leur rendît leurs vases sacrés[1].

Mais la permission demandée dans un premier élan d’enthousiasme, et aisément obtenue du sens politique de Cyrus, qui se chargerait de rebâtir le temple et la ville, de refaire la patrie ? Le royaume d’Israël était détruit sans retour. On ne pouvait songer qu’à Jérusalem et à ses environs immédiats, entourés d’ennemis héréditaires, de populations depuis longtemps asservies, jamais entièrement assimilées et qui avaient salué les Babyloniens comme des libérateurs.

La tentative était hasardeuse. Au temps de Moïse, les fils d’Israël avaient à grand peine consenti à quitter l’Égypte où une nourriture abondante payait les travaux de la corvée. A Babylone, on vivait sans trop de peine même on gagnait de l’argent dans cette ville opulente où les petits métiers s’exerçaient avec profit. L’intérêt temporel conseillait de rester tranquille. Les prophètes eux-mêmes l’avaient dit bien souvent. Maintenant d’autres voyants ordonnaient de partir. Pour cela il fallait vendre à vil prix les maisons, le mobilier, troquer des terres pour des chameaux, organiser des caravanes et se lancer dans le désert, jamais sûr, à moins de remonter les rives des fleuves où des pillards achevaient la dévastation causée par les armées. Ce précieux reste d’Israël exposé à mourir en route par l’épée ou de faim et de soif ! Comment en croire les prophètes qui promettaient une route toute droite sur des collines nivelées[2], avec des sources[3] sur-

  1. Esdr., i, 1 ss.
  2. Is., xl, 3.
  3. Is., xli, 18 s.