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Il était hors d’état de comprendre que les biens du Messie étaient des biens spirituels. Les biens temporels, inaugurés par la victoire, ne peuvent être accordés à tous en même temps. Il n’est qu’une sorte de biens qui soient communicables à tous les hommes et à chaque homme, à moins de détruire tout l’équilibre du monde, ce sont les biens spirituels. Si c’étaient eux qu’avaient envisagés les Prophètes, Israël n’avait donc plus de privilèges ! Il s’en tint au sens littéral, malgré le cri de toute l’Écriture qui place le vrai bien dans la fidélité à Dieu. Trop pénétrés de leurs devoirs de serviteurs, les Pharisiens ne s’élevaient pas à la vue sublime de Philon, de l’amitié qui peut s’établir entre Dieu et les hommes.

En un mot, d’un sécateur impitoyable, ils coupaient tous les rejetons qui promettaient de si beaux fruits.

Et en même temps ils refusaient de concevoir que la Révélation ancienne, quand elle aurait donné sa fleur, laisserait tomber certains éléments devenus caducs. Pour eux l’observance de la Loi comportait l’amour de Dieu, mais ils ne s’arrêtaient pas à l’idée que l’union avec Dieu importait seule, et qu’elle pouvait être atteinte par tous les hommes sans qu’ils fussent obligés de pratiquer une loi faite à la mesure de leur nation, et à une époque donnée.

Tendance très nette à élaguer les éléments surnaturels, à les restreindre à des formalités accessibles à la raison ;

Résolution bien arrêtée de constituer une nation fidèle à sa religion, mais à une religion faite exprès pour un seul peuple ;

Attachement à la Loi par une observance ponctuelle et raffinée, multipliant les occasions d’un service assidu ;

Conviction que le Messie serait leur homme, leur docteur et leur capitaine, contraignant les Gentils à s’incliner devant eux et devant lui ;

Tels sont les traits principaux du Judaïsme nationaliste et formaliste qui a prévalu avant et surtout après Jésus-Christ, prenant mieux conscience de sa propre nature après qu’il l’eût opposée à la conception de Jésus et du Christianisme, qui était un perfectionnement de la Révélation ancienne, dans le sens de l’amour de Dieu et de la fraternité de tous les hommes dans cet amour.