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une persévérance admirable, les Juifs, qui ont sûrement commencé par traduire les cinq livres de la Loi, ont ensuite abordé les Prophètes, puis les autres écrits qu’ils regardaient comme saints en même temps qu’une partie de leur patrimoine national[1]. La science moderne a confirmé facilement la tradition qui assigne l’Égypte comme le pays d’origine de cette grande œuvre. Depuis que les papyrus se sont multipliés, il a été aisé de reconnaître que la langue des Septante était la leur.

Une particularité du grec d’Égypte[2] a permis d’affirmer que la traduction du Siracide par son petit-fils était postérieure à l’an 116 av. J.-C Ce fut sûrement le dernier livre traduit.

Il est plus difficile de dater le début de la traduction. Le règne de Ptolémée Philadelphe (286-247) est suggéré par le fait que le plus ancien écrivain juif helléniste, Démétrius, qui écrivait sous Ptolémée IV Philopator[3] (222-205) s’est servi d’une traduction grecque de la Genèse et de l’Exode[4]. Elle était donc notablement antérieure, et le nom de Philadelphe se recommande par son goût pour les histoires étrangères[5]. L’impulsion qu’il donna dans ce sens pénétra peut-être jusque dans la colonie juive, sans être aussi décisive que la nécessité pour la communauté de posséder la Loi en grec. Les Juifs avaient tout lieu d’être fiers de cette magnifique prouesse littéraire. On institua pour la commémorer une fête et un pèlerinage à l’île de Pharos, où beaucoup d’Égyptiens accompagnaient les Juifs[6].

C’est seulement lorsque le pharisaïsme fut entré dans son système d’isolement qu’on se désola d’avoir communiqué aux Gentils un trésor dont les chrétiens faisaient un si large usage, et contre le judaïsme : « Le 8 de Tebet, la loi fut écrite en grec au temps du roi Tolmaï, et des ténèbres furent sur le monde pendant trois jours[7]. » Mais comme il n’était pas possible d’anéantir ce document passé en des mains ennemies, il parut urgent de l’amoindrir et, s’il était possible, de le remplacer par une traduction plus fidèle. De toute façon c’était une satisfaction pour le rabbinisme de posséder une traduction qui fût un calque des lettres sacrées : la version d’Aquila au iie siècle ap. J.-C. donna satisfaction à

  1. Prologue du Siracide : καὶ τῶν ἄλλων πατρίων βιβλίων.
  2. Dans Archiv für Papyrusforschung, III, 321 Wilcken a prouvé, et maintenu (iv, 205) contre les objections de Schürer, que ἐπί avant le nom du roi dans une date indique qu’il était mort quand l’auteur écrivait. Ptolémée Évergète II (170-116) était donc mort quand le petit-fils du Siracide, entré en Égypte en sa trente-huitième année, ἐπὶ τοῦ Εὐεργέτου βασιλέως (Prologue), donc en 132, a terminé sa traduction, donc après 116.
  3. Clém., Strom., I, xxi, 141.
  4. Swete, op. l., p. 19.
  5. Manéthon traduisit alors les sources égyptiennes.
  6. Philon, de vita Mosis, ii, § 41.
  7. Glose de Megillat Ta‘anith.