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CHAPITRE XIX

LA TRADUCTION DES LIVRES SAINTS HÉBREUX EN GREC


L’assimilation des Juifs lettrés, leur tentative de rivaliser avec l’hellénisme,leur prétention de le rattacher comme une dépendance à la tradition de leurs livres saints, avaient à tout le moins un caractère artificiel. Il était une autre assimilation nécessaire qui devait avoir le plus heureux et le plus glorieux résultat.

Malgré leur attachement à leur race et par conséquent à leur langue, les Juifs étaient obligés, à Alexandrie, d’apprendre le grec. Dans leurs rapports très fréquents avec la population ils ne se servaient que de cette langue. Ils en vinrent donc à oublier la leur, d’autant plus facilement que leur élite faisait étalage de ses connaissances grecques[1] et affectait d’écrire dans l’idiome d’Homère ou dans la langue commune qui se répandait de plus en plus en Orient. Peu à peu les classes populaires oublièrent l’hébreu : elles étaient excusables quand un Philon le connaissait si mal. Et cependant le service religieux était fortement institué en Égypte, nous l’avons vu en parlant des oratoires ou proseuques, attestés dès le milieu du iiie siècle, et il n’est pas douteux que, comme au pays d’Israël, on y lisait la Loi dès le début, et qu’on y joignit la lecture des Prophètes. En Judée aussi la langue sacrée était tombée dans l’oubli. On y suppléait par une explication en araméen.

En Égypte, autant valait-il la traduire en grec comme on pouvait. Avec leur tendance aux œuvres littéraires beaucoup plus active en Egypte qu’en Palestine, les chefs intellectuels du peuple en vinrent d’assez bonne heure à une véritable traduction écrite[2]. Cette traduction, dite des Septante, — nous verrons pourquoi, — eut la plus brillante fortune, puisqu’elle devint la Bible de l’Église catholique, soit en grec, soit sous le vêtement d’une traduction latine, et on peut dire que ce fut une très belle œuvre. L’entreprise était hardie de traduire en grec des livres écrits dans une langue sémitique. Elle est demeurée isolée dans l’antiquité. Avec

  1. C’est à l’attachement d’Aubanel, de Mistral et de toute la pléiade des félibres que le provençal a dû de se survivre à lui-même.
  2. An introduction to the old Testament in Greek, by Henry Barclay Swete, Cambridge, 1900. — Avec la lettre d’Aristée éditée par Thackeray.