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CHAPITRE XVII

LA PREMIÈRE DISPERSION EN ÉGYPTE


De la mainmise sur Jérusalem par Nabuchodonosor date l’histoire de l’établissement des Juifs en dehors de la terre de Canaan que Dieu leur avait donnée. La dispersion avait commencé après la prise de Samarie, mais sans créer d’abord, du moins à notre connaissance, des foyers durables de la religion et du nationalisme. Elle s’est prolongée jusqu’à nos jours comme un phénomène de ténacité à ce double principe du Judaïsme. Entre cette dissolution complète et cette préservation, unique dans l’histoire, il faut placer une situation équivoque de Judéens en Egypte. L’Égypte devint, avant J.-C., le centre économique et intellectuel de la dispersion. Il est nécessaire, pour comprendre le contact des deux peuples et ses réactions, d’analyser les éléments d’un contraste très accentué entre eux et entre les régions qu’ils habitaient.

Le caractère des Égyptiens dépend, plus que celui d’aucune autre race, de la nature du pays. Hérodote a dit admirablement que l’Égypte est un don du Nil[1]. Cela est vrai de l’existence même du sol, puisque la longue vallée qui s’épanouit en Delta est formée par le limon que le Nil entraine depuis les plateaux de l’Abyssinie. Cela est vrai aussi de la richesse de ce sol. Si gras qu’il soit, il ne produirait rien s’il n’était arrosé par les eaux du Nil, surtout dans la Haute-Égypte où il ne pleut pas. Chaque habitant est libre de plonger dans le fleuve le récipient qu’il en fait remonter par une poulie rustique de cette manière primitive, les bords seuls seraient humectés. Quand vers le mois de juin les eaux commencent à monter, le fleuve submerge ses berges. Mais cette profusion serait en grande partie inutile si un système bien compris de canaux ne répartissait partout le liquide fécondateur. Les canaux ne peuvent être organisés que par une autorité centrale intelligente, et servie par des milliers de bras. Par ce fait seul toute la vie de l’Égypte dépend d’une autorité bienfaisante. Aujourd’hui encore l’Angleterre essaie de tenir l’Egypte dans sa main en gardant le Soudan, c’est-à-dire le cours du Haut Nil, qui se déverse, grâce au barrage d’Assouan, sur les cultures des céréales ou de

  1. Hér., I, 1 : δῶρον τοῦ Νείλου.