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Or les Rabbins l’auraient parfaitement compris et auraient ainsi posé une base à leur mystique. Nous résumons ce qu’on lit dans le midrach sur le Lévitique[1]. L’âme remplit le corps comme Dieu remplit le monde ; elle doit donc louer Dieu. Elle porte le corps et Dieu porte le monde ; elle survit au corps et Dieu demeure quand le monde passe ; elle est unique dans le corps et Dieu est unique dans le monde ; l’âme ne mange pas, elle voit sans être vue ; elle est pure, elle ne dort pas : autant de ressemblances avec Dieu, autant de raisons de le louer.

La nature spirituelle de l’homme est bien en effet ce qui fait naître en lui le désir de s’unir à Dieu qui est Esprit. C’est la base de la mystique d’un Plotin. Mais cela ne suppose dans l’âme aucune adaptation surnaturelle. Encore est-il que la mystique grecque a tiré toutes les conséquences de cette ressemblance pour aboutir à une véritable union, tandis que les docteurs juifs ne parlent que du devoir pour l’âme de louer Dieu. Rien ne montre mieux que cette page, alléguée en faveur de leur vie mystique, à quel point ils se sont tenus sur la réserve. L’homme doit à Dieu le service et la louange. Dieu les accepte : chacun garde son rang.


§ 4. — La Chekinah[2].


Ce mot hébreu doit se traduire « habitation » plutôt que « présence ». Il désigne ce fait que Dieu habite quelque part : il y a son habitation. Tandis que la présence n’indique aucun lien, aucun attachement, aucune préférence, l’habitation suppose qu’on a fait choix d’un lieu pour y demeurer. Selon l’histoire de l’A. T., le choix du lieu est à vrai dire secondaire. Dieu voulait être avec les enfants d’Israël lorsqu’il est devenu leur dieu au Sinaï. Il avait donc son habitation parmi eux. Comme ils étaient nomades, il habitait une tente, sans aucune attache à un lieu[3]. Quand ils sont devenus sédentaires, Dieu a fait choix d’un lieu pour y habiter, ou, comme dit le Deutéronome, pour ne pas laisser croire que Dieu ne se trouve pas ailleurs, il y a fait habiter son nom[4], c’est-à-dire qu’il se proposait d’y rendre son action plus sensible et plus énergique. La manifestation était parfois une nuée, lumineuse pendant la nuit, la gloire de Iahvé (Ex., xl, 35 ; Num., ix, 15-22). Cette habitation de Dieu dans son Temple était le plus ferme espoir d’Israël,

  1. Lev. R., 4 (107) dans S.-B., II, p. 437 s. avec renvois aux passages parallèles.
  2. En araméen שכינתא. De toute façon sur le thème Qaṭil, plutôt neutre que causatif.
  3. Ex., xxv, 8. Les Israélites avaient demandé (Ex., xvii, 7) : « Iahvé est-il oui ou non au milieu de nous ? » Il avait prouvé son dessein de demeurer avec eux en habitant dans un sanctuaire mobile.
  4. Dt., xii, 11.