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écrite, n’ont eu force de loi que dans la législation de Justinien qui a fait un choix. Jusque-là on risquait de s’égarer dans un mélange de sentences contradictoires. Chez les Juifs personne n’avait un pouvoir législatif comparable à celui de Moïse. Il y avait donc une situation fausse pour les docteurs, s’efforçant vainement de mettre leurs déductions plus ou moins justes sur le même rang que le texte lui-même[1]. Se croyant obligés de faire prévaloir une autorité qu’ils n’avaient pas, il leur est arrivé de tomber dans une infatuation voisine de la présomption et de l’orgueil. Mais le principal danger était de se faire de la supériorité dans la doctrine et dans la pratique une raison de se séparer des autres et de les mépriser. C’est ce qui se produisit, et voici comment. Les trois points sur lesquels les docteurs insistèrent surtout furent le sabbat, le soin de la pureté légale, le paiement des dîmes aux lévites et aux prêtres. Le sabbat était d’institution divine, une institution si sage que les peuples modernes se font une loi de la pratiquer, avec une certaine tendance à prendre deux jours de repos par semaine au lieu d’un !

Les Pharisiens, épiloguant sur les mots, étaient arrivés à multiplier les interdictions sur ce point capital, où la dérogation ne pouvait échapper aux regards. Nous n’indiquons pas ces cas, un véritable défi au bon sens, comme de ne pas manger un œuf pondu le jour du sabbat, ou un fruit tombé de l’arbre à pareil jour[2]. Il suffit de noter ici qu’une observation très stricte de ces points, souvent impossible au vulgaire, mettait les Pharisiens dans une classe à part, grandement scandalisée de dérogations aux règles nouvelles qu’ils avaient posées.

Le point des impuretés était une pierre d’achoppement encore plus scabreuse. Beaucoup d’impuretés étaient formellement inscrites dans la Loi. Qu’on veuille bien le noter, ce qu’il y a là d’étrange pour nous, ce ne sont pas les règles en elles-mêmes, que nous nommerions des précautions parfois excessives de propreté, ou des mesures prophylactiques contre la contagion, mais qu’elles figurent dans un Code sacré[3]. On doit convenir que ce ne sont pas des points révélés d’en haut comme ayant une importance majeure pour la conscience et les rapports de l’homme envers Dieu, mais des coutumes établies dans un peuple fier de s’élever au-dessus des peuplades où l’on vivait dans la promiscuité et dans la saleté. Par suite du caractère universel de la Loi, elles avaient été ratifiées par l’autorité divine. L’épithète d’impur, libéralement prodiguée dans des

  1. Ce qu’ils ont fait expressément, car la tradition, elle aussi, remontait à Moïse ; cf. Le Messianisme…, p. 143 s.
  2. Bessa, i, 1 ; Pesaḥim, iv, 8b.
  3. Pollutions involontaires Lev. xv, 16 s. ; accouchements xii ; union conjugale xv, 18 ; les cas de maladie, les cadavres, etc.