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Jésus, s’étaient exprimés d’une manière incorrecte. Ce point fut discuté assez vivement à l’Académie des Inscriptions (1). M. Naudet a concédé à M. Le Blant l’existence, même sous l’Empire, d’exécuteurs des tribunaux (2) qui n’étaient point des soldats. Mais après que les empereurs eurent incarné toute la puissance du peuple romain, et les soldats leur ayant fait un serment de fidélité absolue, la condamnation à mort par l’empereur était légale, et l’exécution un acte de discipline militaire (3). Si, dans des cas très nombreux, les soldats ont exécuté des ordres de mort sur un mot de l’empereur, encore moins pouvaient-ils se permettre des objections avant d’accomplir un jugement régulier. La sentence du procurateur qui était chef de l’armée devait être exécutée par des soldats. Aussi bien nomme-t-on speculalor celui qui remplit cet office. Et « les speculatores étaient des soldats, rien que des soldats, mais employés à des offices divers, gardes du corps de l’empereur, courriers, espions, coupe-têtes » (4).

Ces speculatores avaient droit àla défroque du condamné. Mais il ne fallait pas la confondre avec les dépouilles qui pouvaient être importantes (5). C’est ainsi que les soldats qui crucifièrent Jésus se partagèrent ses vêtements, et comme il était très pauvre, on ne parle pas d’autre chose (6).

La condamnation de Jésus par Pilate, l’exécution par les soldats, le partage de ses habits sont donc strictement selon le droit du temps. En résulte-t-il que le Christ n’a pas été jugé par le sanhédrin ? Il est certain que le sanhédrin avait perdu le droit de prononcer un jugement 1-1

l’Institut (Académie desInser. et B.-L, t. XXVI, 1870, p. 127-150), Recherches

(1) Mémoires.de

sur les bourreaux du Christ et sur les agents chargés des exécutions capitales chez les

Romains, par M. Edmond LE BLANT. — Réponse de M. Naudet (mème volume, p. 151-187) ou Mémoire sur cette double question

1° thèse particulière ; sont-ce des soldats qui ont crucifié Jésus-Christ ? 2° thèse générale les soldats romainsprenaient-ils une part active dans les supplices ?

(2) TAC., Ann. v, 9 triumvirat supplicium. (3) Quelques-uns y devenaient très habiles miles decollandi artifex (SUÉT., Calia., 32). p.

(4) Mémoire cité

179. Le vrai mot était speculatores, de speculor, « éclairer en sondant l’horizon », mais le peuple les nomma spiculatores, « piquiers », parce qu’ils portaient le spiclllum.

(5) Sénèque (de tranquillitale, xi) dit que de Séjan on pilla tout, ex eo nihil superfuit,

quod carnifex traherei.

(6) Le texte d’Ulpien (Digeste, XLVIII, 20,6) qui parle de la défroque suppose le droit des exécuteurs subalternes, et ne s’arrête qu’au droit de dépouilles, réglé autrement. Il doit donc être bien compris, car une lecture superficielle pourrait en tirer la négation du droit des exécuteurs. Ceux dont il parle sont des militaires d’un plus haut rang. Voici la traduction qu’en donne M. Naudet (l.l., p. 179

« La défroque du condamné est tout ce qu’il portait en entrant dans la prison et tous ses vêtements quand on le mène au supplice, comme le nom même l’indique (pannicularia). Ainsi les speculatores ne doivent pas s’approprier, ni les optiones réclamer la dépouille du patient ». La défroque était au condamné jusqu’à l’exécution ; le droit de dépouilles. naissait aussitôt après la condamnation.