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pas. D’ailleurs ce n’était point créer pour elle une catégorie spéciale. Il existait une troisième classe de provinces[1] que l’empereur administrait non point comme proconsul mais comme prince. Il y nommait un préfet (ἔπαρχος) ou un procurateur (ἐπίτροπος). Le premier titre devint officiel et se perpétua pour l’Egypte, qui avait un tempérament spécial avec une grande étendue. Celui de procurateur[2] prévalut dans les autres cas. C’était le nom qu’on donnait aux agents financiers de l’empereur, appartenant à l’ordre des chevaliers romains, qu’il envoyait même dans les grandes provinces mais comme subordonnés.

Dans les petites provinces, le procurateur, en principe, détenait le pouvoir souverain et ne dépendait que de l’empereur. Mais comme il n’avait pas de légion à son service, il était nécessairement obligé de recourir dans les cas difficiles à un de ses puissants voisins. Ce voisin, pour la Judée, était la Syrie, dont elle est la continuation, sans limites naturelles[3]. On peut donc dire que la Judée était en quelque manière rattachée à la Syrie. Lorsque le légat de Syrie, un très grand personnage, un ancien consul, jugeait à propos d’intervenir, il prenait la direction, mais il n’avait pas le droit de déposer le procurateur à moins d’une délégation spéciale du prince[4].

On ne s’étonnerait pas qu’il y ait eu quelque flottement dans une organisation naissante. Cependant il était des points absolument fixés par le droit. Tout magistrat revêtu de l’imperium avait le pouvoir législatif et judiciaire, jusqu’à infliger la peine de mort[5] et il avait le commandement de la force armée. Son autorité était, il est vrai, dans la plupart des cas, limitée par le respect des libertés concédées aux provinciaux ; mais cette loi de la province n’était pas le plus souvent clairement formulée. En fait, le pouvoir du gouverneur était absolu dans les cas particuliers, sous sa responsabilité, et sous réserve de l’appel à l’empereur.

L’armée romaine se composait des légions, recrutées parmi les citoyens romains, et des troupes auxiliaires. Le procurateur, avons-nous dit, n’avait à sa disposition que des troupes auxiliaires, cohortes d’infanterie,

  1. Strabon, XVII, 3, 25 (p. 840) : εἰς ἃς μὲν πέμπει τοὺς ἐπιμελησομένους ὑπατικοὺς ἄνδρας, εἰς ἃς δὲ στρατηγικούς, εἰς ἃς δὲ καὶ ἱππικούς.
  2. Le titre d’ἡγεμών (en latin praeses) employé par le N. T. est une désignation vague comme celle de gouverneur.
  3. Avant la grande guerre, la Syrie formait un très grand vilayet dont la Palestine était distincte, ayant à sa tête un muteṣṣarif dépendant directement de la Sublime Porte.
  4. Josèphe a conclu de cette situation, tantôt que la Judée formait une province (Bell., II, viii, 1) : τῆς δὲ Ἀρχελάου χώρας εἰς ἐπαρχίαν περιγραφείσης ἐπίτροπος τῆς ἱππικῆς παρὰ Ρωμαίοις τάξεως Κωπώνιος πέμπεται, tantôt qu’elle avait été rattachée à la Syrie (Ant., XVIII, i, 1) parce que Quirinius y intervenait : παρῆν δὲ καὶ Κυρίνιος εἰς τὴν Ἰουδαίαν προσθήκην τῆς Συρίας γενομένην.
  5. Noté par Josèphe (Bell., II, viii, 1) μέχρι τοῦ κτείνειν.