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pouvait-on soupçonner des intentions du pouvoir quand il aurait mis la main sur tout[1] ?

Le joug financier d’Hérode avait paru intolérable. Encore connaissait-il les habitudes du pays. Habitués à fixer eux-mêmes leurs dîmes, dont le sacerdoce n’était guère en état d’exiger l’acquittement, faisant paître leurs troupeaux dans un désert sans limites, ici l’hiver, là l’été, jamais oublieux de leurs libres allures d’anciens nomades, les Juifs allaient être obligés de compter leurs oliviers et jusqu’à leurs plants de vigne, pour alimenter un trésor dont le premier emploi était le culte des dieux, puis des jeux somptueux et idolâtriques, en tout cas sanguinaires. Ce serait pire qu’au temps d’Hérode.

Prévoyant un mécontentement général, Quirinius eut l’habileté de s’appuyer sur le sacerdoce. Josèphe avait attribué à Archélaüs la déposition du grand prêtre Joazar, fils de Boéthos, accusé de pactiser avec les révoltés, c’est-à-dire avec les ennemis de la maison d’Hérode[2]. On est étonné de le trouver en charge à l’arrivée de Quirinius. A moins de conclure que Josèphe a tout brouillé à quelques pages de distance, on doit supposer que ce Joazar figurait parmi ceux qui auraient préféré la domination romaine à celle d’Archélaüs. Il était assez naturel que Quirinius lui rendît le pontificat, et de fait il s’employa assez activement à faire cesser la résistance : « Persuadés par ses paroles, les Juifs déclarèrent leurs biens sans plus d’hésitation[3] ».

Ils n’en surent pas moins mauvais gré à celui qui s’était fait l’agent docile de l’étranger, si bien que, l’opération terminée, Quirinius, beaucoup plus remarquable par ses talents militaires que par sa tenue morale, le sacrifia au soulèvement des Juifs[4] et le remplaça par Anan, fils de Seth, qui inspirait plus de confiance aux nationalistes et dont la politique prudente fit la fortune ainsi que celle de ses enfants : une nouvelle dynastie sacerdotale remplaça celle de Boéthos.

  1. Ulpien (Dig. L, 15, 4) de censibus indique le règlement du iiie siècle, mais dont les bases furent posées dès le début : forma censuali cavetur, ut agri sic in censura referantur : nomen fundi cuiusque, et in qua civitate et in quo pago sit, et quos duos vicinos proximos habeat ; et arvum, quod in decem annos proximos satum erit, quoi iugerum sit ; vinea, quot vites habeat ; olivae, quot iugerum ; pascua, quot iugerum esse videantur ; item silvae caducae ; omnia ipse qui defert, aestimet.
  2. Ant., XVII, xiii, 1.
  3. Ant., XVIII, i, 1.
  4. C’est l’explication qui nous paraît décidément la plus probable, contre ce qui a été dit (RB., 1911, p. 74). On ne peut supposer deux Ioazar, car celui que déposa Quirinius était fils de Boéthos comme celui que déposa Archélaüs. Dans un autre passage son père qui n’est pas nommé ne peut être que Simon, beau-père d’Hérode, mais lui-même fils de Boéthos. Fils de Boéthos désigne donc à propos de Ioazar une lignée plutôt qu’une filiation directe.