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De cette inscription, la première partie avait été publiée en 1674, mais était demeurée très suspecte, en particulier à Mommsen. Les doutes se sont tus quand on a publié en 1880 la seconde partie, la plus considérable. Tout en se rétractant, le grand historien de Rome n’a pas dissimulé sa mauvaise humeur contre un texte qui a le tort de ne pas ressembler aux autres, ce qui lui permet de nous apprendre sur quelles personnes portait le recensement. En effet Q. Aemilius Secundus nous dit comment, officier de P. Sulpicius Quirinius, il a été chargé par lui de faire le cens d’Apamée (en Syrie) où il trouva 117.000 individus citoyens. Ainsi que l’a noté Mommsen, il s’agit de toutes les personnes, hommes, femmes, enfants, regardés comme citoyens d’Apamée sur son territoire. Les esclaves étaient rangés dans la catégorie des biens. Ce qu’il appelle un cens n’a donc plus rien du cens des citoyens romains, c’est celui qui aurait pu être appliqué à Joseph, à Marie, à Jésus enfant. Dans quelle année a eu lieu l’opération à laquelle Secundus a pris part, c’est ce qu’il ne nous a pas dit[1].

Comme Josèphe le note expressément, Quirinius fit le recensement en Judée ; il n’est pas question des domaines d’Antipas ou de Philippe. C’était le signe sensible de la main-mise par Rome sur les personnes et sur les biens. Déjà Pompée avait soumis les Juifs au tribut. César les en avait dispensés. Cette fois on ne pouvait se faire d’illusion. La main qui avait frappé, puis s’était faite plus douce, s’appesantissait définitivement sur le pays. L’empereur Auguste avait exigé un serment de fidélité des Juifs, mais ne s’était pas inquiété de leurs biens. Le recensement par lui-même a été exercé longtemps en France sans la moindre difficulté. La susceptibilité s’inquiète lorsqu’il faut faire une déclaration de sa fortune en vue de l’impôt sur le revenu.

Chez les Juifs cette cause de mécontentement n’était pas accompagnée de l’appréhension du service militaire — qui sans doute fut surtout odieux aux Gaulois, – puisqu’on les en dispensait, mais elle s’aggravait singulièrement d’un scrupule religieux. On était donc à la discrétion d’un pouvoir païen, qui serait peut-être tenté de renouveler la tentative d’Antiochus Épiphane, du moins de prélever les dîmes pour son compte… Que ne

  1. L’inscription en fac-similé dans le CIL., III, Suppl., I, n° 6687, avec le commentaire de Mommsen. Voici le texte d’après Dessau (Insc. lat. sel.) n° 2683 : Q. Aemilius Q. f. Pal. Secundus [in] castris divi Aug. s[ub] P. Sulpi[c]io Quirinio leg[ato] C[a]esaris Syriae honoribus decoratus, pr[a]efect. cohort. Aug. I, pr[a]efect. cohort. II classicae ; idem iussu Quirini censum egi Apamenae civitatis millium homin. civium CXVII ; idem missu Quirini adversus Ituraeos in Libano monte castellum eorum cepi ; et ante militiam praefect. fabrum delatus a duobus cos. ad aerarium, et in colonia quaestor, aedil. II, duumvir II, pontifexs. Ibi positi sunt Q. Aemilius Q. f. Pal. Secundus f. et Aemilia Chia lib. H. m. amplius h. n. s. – La dernière clause est obscure : ce monument ne suit pas l’héritage, c’est courant ; mais pourquoi amplius ?