Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’état. Il importait aussi que la république demeurât fidèle aux saines coutumes de la morale ancienne, et s’assurât le secours des dieux, ce qui supposait entre elle et eux des relations que ne troublât aucune souillure. On faisait donc tous les cinq ans le recensement des citoyens romains déclarant leur fortune, on imposait des peines à certaines violations de la morale, et l’opération se terminait par un lustre, c’est-à-dire une purification solennelle qui rétablissait la bonne harmonie, peut-être troublée par mégarde, entre la cité et ses dieux protecteurs. Le droit des censeurs, comme tous les autres, fut absorbé par le prince[1]. Aussi Auguste se flatte dans le monument d’Ancyre d’avoir fait trois recensements du peuple romain. Le premier eut lieu en l’an 28 av. J.-C., et fut suivi d’un lustre, ce qu’on n’avait pas vu depuis quarante deux ans. C’était l’esprit d’Auguste de maintenir ou de remettre en vigueur les anciennes traditions religieuses. Il fit donc encore deux autres lustres ; mais après lui il n’yen eut plus que deux : l’un sous Claude en 48 ap. J.-C., et l’autre sous Vespasien en 72, le cens étant alors tombé en désuétude.

En effet, la différence entre les citoyens romains et les sujets de l’Empire, en attendant qu’elle fût abolie par Caracalla, n’avait plus la même importance pour le maître du monde, qui tenait sans doute davantage à connaître exactement les ressources en hommes et en biens dont il pouvait disposer. Aussi le même Auguste fut-il l’initiateur d’une autre sorte de recensement, celui des provinces, tendant naturellement à fixer l’assiette de l’impôt. Il ne s’agit pas de dresser un cadastre à la manière moderne, contenant le relevé détaillé et graphique des propriétés, mais plutôt d’obtenir des sujets incorporés à l’empire une déclaration de leurs ressources : la valeur morale et religieuse de l’opération du cens n’est plus en jeu.

Auguste fit ce recensement pour les trois Gaules dès l’an 27 av. J.-C., et il se poursuivit ou se pratiqua de nouveau, non sans exciter des protestations tumultueuses de la part des Gaulois[2]. On n’a pas de renseignements sur toutes les provinces, mais les meilleurs juges pensent que ces mesures s’étendirent même aux provinces sénatoriales[3]. L’Espagne est indiquée vaguement par Dion[4] et nous allons voir ce qui regarde la Syrie et la Judée.

Auguste a sans doute, à son habitude, tenu compte prudemment des

  1. Dion, LIII, 17, 7 : ἐκ δὲ δὴ τοῦ τιμητεύειν τούς τε βίους καὶ τοὺς τρόπους ἡμῶν ἐξετάζουσι, καὶ ἀπογραφὰς ποιοῦνται, κ. τ. λ.
  2. Liv., ep. cxxxvi. cxxxvii tumultus, qui ob censum exortus in Gallia erat.
  3. Kubitschek, art. Census dans Pauly-Wissowa, III, 1918.
  4. LIII, 1, 8.