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rent l’extinction des anciennes familles, et ils réclament le droit ancien, c’est-à-dire en réalité le pouvoir du grand prêtre. Mais ils affectent de ne nommer que l’autorité romaine. Ils demandent formellement, et avec instance, d’être rattachés à la Syrie, sauf à avoir un gouverneur particulier. Le tableau qu’ils font du règne d’Hérode marque la profonde ulcération d’une nation mise à mal et pillée au profit des étrangers. Point de griefs purement religieux ; l’empereur n’y eût point été sensible. Mais le portrait d’un tyran cruel, d’un maître abandonné à ses caprices effrénés : Archélaüs ne vaudrait pas mieux. Les Juifs qu’on taxait de révolutionnaires sauraient prouver que nul n’était plus maniable quand les maîtres étaient les Romains.

En réponse, Nicolas insista naturellement sur le caractère factieux des Juifs, et la révolte dont Varus prévint bientôt l’empereur parut lui donner raison. Il avait été aisé de réprimer desinsurgés disséminés et hostiles les uns aux autres. Tout le pays uni sous un seul chef eût exigé un tout autre effort.

Auguste se décida donc à rompre cette unité, que seul Hérode avait su rendre docile à Rome. Il ne confirma pas le testament, puisqu’il divisa le royaume en trois parts. Archélaüs avait la plus belle, la Judée avec l’Idumée et la Samarie : c’était le cœur du Judaïsme. Mais il n’était qu’ethnarque, sans aucune autorité sur ses frères. S’il s’en montrait digne, on lui donnerait le titre de roi, mais sûrement sans rien changer au fond des choses. Antipas et Philippe avaient les parts que leur avait destinées leur père, ils étaient indépendants d’Archélaüs, et soumis comme lui à la surveillance du gouverneur de Syrie[1]. Trois villes grecques, Gaza, Hippos et Gadara recouvraient leur indépendance. Salomé avait Iamnia, Azot, Phasaélis. D’ailleurs l’empereur refusa l’argent qui lui était légué, sauf quelques souvenirs de peu de valeur. Il conciliait donc la politique romaine avec la bienveillance personnelle qu’il avait témoignée à Hérode, et qu’il continuait à sa maison.

Cette élévation de vues et de tenue forme un contraste saisissant avec l’acharnement des Hérodiens les uns contre les autres ; la nation tout entière était en proie à la discorde et à ses fureurs.

Sans doute la Judée était moins disposée que ses représentants officiels à subir le joug de Rome. Mais c’est qu’il était apparu sous le jour le plus sinistre. Varus, gouverneur de Syrie, avait apaisé sans peine les troubles qui avaient suivi la cruelle répression d’Archélaüs. Comme il

  1. Josèphe estime le revenu d’Archélaus soit à 400 (Bell., II, vi, 3) soit à 600 (Ant., XVII, xi, 4) talents, celui d’Antipas à 200, celui de Philippe à 100 talents. Il est vraisemblable que la richesse d’Archélaüs était en grande partie dans le commerce maritime de Joppé et de Césarée ; aussi fit-il figurer une galère sur ses monnaies.