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obtenir l’assentiment du Sanhédrin à la mort d’un ancien grand prêtre[1]. Hyrcan fut en effet condamné et exécuté.

Ce qui prouve bien qu’Alexandra ne fit rien dans cette occasion, c’est que le roi ne sévit pas contre elle. Lui qui avait caché ses femmes à Masada au temps d’Antigone, ne consentit pas à les laisser à la merci d’un soulèvement qui éclaterait peut-être à Jérusalem en son absence. Mais elles étaient trop divisées pour qu’il les mît dans une seule forteresse. Il envoya à Masada, le lieu le plus sûr, sa mère Cypros, sa sœur Salomé et ses enfants, sous la tutelle de son frère Phéroras, invité à sauver la fortune de la maison d’Antipater, s’il lui arrivait malheur à lui-même. Dans ce cas fatal, Mariamme ne devait pas lui survivre, non plus qu’Alexandra : il les confia donc à un Ituréen, nommé Soaimos[2], avec l’injonction, s’il ne revenait pas, de faire périr les deux princesses et de se mettre au service de Phéroras.

Le roi juif se croyait sûr de Soaimos, un étranger, sa créature. Mais précisément parce que sans appui dans le pays, Soaimos avait tout à craindre de sa chute. Il crut devoir chercher une garantie auprès de ses captives, qui étaient en passe de prendre le pouvoir, et seraient toujours ses maîtresses de toute façon. La grâce, la distinction de Mariamme le gagnèrent. Qu’on se rappelle Barnave dans la compagnie de Marie-Antoinette. Il avoua donc le fatal secret, sûr que l’intérêt de la reine était de ne pas le révéler. Et en effet cette fois elle ne parla pas. Son cœur était ulcéré.

Chaque fois qu’Hérode avait satisfait ses propres intérêts, il lui en avait coûté la vie d’un de ses proches : son oncle Antigone, son frère Aristobule, maintenant le vieil Hyrcan, son grand-père auquel il devait tout.

Quand son mari revint, fier de son succès, toujours plus épris, quêtant des félicitations amoureuses, il ne rencontra que de la hauteur et de la froideur. Rien n’indique qu’elle l’ait jamais aimé. Mais il ne tolérait plus d’être traité en parvenu, et Cypros, sa mère, Salomé sa sœur, plus sensibles encore aux dédains de Mariamme, contre qui elles étaient moins armées, ne cessaient de l’échauffer par leurs récriminations : accepterait-il d’être méprisé par cette Asmonéenne ingrate, qui lui devait la couronne, et qui seule avait été épargnée ? Salomé avait préparé sa vengeance, et sut profiter du moment où le roi était cruellement offensé

  1. Avec Otto, Josèphe avoue s’être appuyé sur les Mémoires d’Hérode qui affirmaient naturellement l’authenticité de la correspondance. Une autre version aurait déclaré cette correspondance tout à fait anodine. Mais alors le roi n’aurait pas eu de prétexte pour l’exécution.
  2. Josèphe (Ant., XV, vi, 5) ajoute l’intendant Joseph, dont il ne sera plus question. Ce nom est probablement une contamination d’après la première histoire, où le mandataire était Joseph. C’est seulement en cela qu’il y a doublet littéraire, car la séparation des femmes est une suite de la discorde née dans le premier cas.