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empêcher les gladiateurs d’Antoine de le rejoindre en Egypte[1]. Ce petit incident, auquel Josèphe ne fait qu’une allusion obscure, suffit à mettre en suspicion le discours d’Hérode qu’il emprunta sans doute aux Mémoires de ce prince. Dès le printemps de l’an 30, le roi juif réjoignit Auguste à Rhodes. Il se serait fait gloire de son attachement à Antoine, fidèle jusqu’à la fin et clairvoyant, puisqu’il lui avait conseillé de se dépêtrer de Cléopâtre, après quoi il aurait marché avec lui. La fidélité envers l’ami vaincu devait être un gage de celle qu’il promettait au vainqueur.

Auguste était mieux informé et dut sourire lors de l’allusion à Cléopâtre : sur ce point du moins le Juif était sincère. L’intérêt de l’empire, la tradition de Jules César, lui commandaient d’accepter une amitié si chaude et empressée à prouver sa qualité et sa portée. Il rendit à Hérode le diadème qu’il avait déposé, et accepta son concours. Lorsqu’il passa d’Asie en Égypte, la traversée du désert, toujours épineuse, fut facilitée par la disposition des ravitaillements fournis par les Juifs. Aussi lorsqu’Hérode l’eut rejoint en Égypte pour le féliciter de son triomphe complet, il lui rendit les territoires que la reine d’Égypte lui avait fait enlever : Jéricho, et, sur la côte, Gaza, Anthédon, Joppé et la tour de Straton. Il y ajouta la Samarie, et parmi les villes de la Décapole enlevées aux Juifs par Pompée, Scythopolis et Gadara. Il s’amusa même à mettre à son service quatre cents Gaulois, choisis parmi les gardes du corps de Cléopâtre. Hérode était comblé. Durant de longues années ses rapports avec Rome ne connurent aucun nuage. Fidèle à la fortune d’Auguste assurée par la politique la plus avisée et vraiment géniale dans sa prudence, il fut toujours traité par lui comme un vassal sur lequel on pouvait compter et dont il fallait seulement surveiller les agissements vis-à-vis de sa propre famille.

C’est là que la crise, heureusement surmontée, eut des suites funestes. Hérode s’était exposé plus dangereusement en se rendant auprès d’Auguste que lorsqu’il avait été mandé par Antoine à Laodicée. En Judée on le croyait perdu. Le vieil Hyrcan, âgé de soixante-dix ans[2], était incapable de lui nuire, mais il pouvait être un instrument entre les mains de sa fille Alexandra. Josèphe raconte même qu’elle avait, en effet, décidé son père à nouer une intrigue avec Malchos (Malikou), roi des Nabatéens, qui aurait accepté de recevoir chez lui Hyrcan. Mais le vieillard se serait-il décidé à fuir, lui si heureux d’être revenu de chez les Parthes, et l’intérêt d’Alexandra n’était-il pas de l’avoir sous la main, à Jérusalem, si l’on apprenait la disgrâce du roi ? Il est donc probable que toutes les pièces de conviction du procès qui allait s’ouvrir furent forgées par Hérode pour

  1. Dion Cassius, LI, 7.
  2. Et non de 80, comme dit Josèphe.