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La haine de Cléopâtre cette fois le servit. Craignant qu’il ne se créât de nouveaux titres à la faveur d’Antoine, elle préféra l’écarter. Hérode, ne pouvant plus tolérer le refus des Nabatéens de lui rembourser la redevance que lui-même acquittait en leur nom envers la reine d’Égypte, était sur le point de marcher contre ces Arabes. Cléopâtre remontra à Antoine qu’il n’avait nul besoin de leur appui. Qu’il les laisse donc se battre, puisque telle était leur envie ! Elle se disait qu’une fois Octave vaincu, il lui serait facile de mettre la main sur les deux royaumes affaiblis, et de régner de Pétra à la Cœlésyrie, où Antoine lui avait permis de s’installer.

Dans la guerre avec les Arabes, Hérode d’abord vainqueur près de Diospolis[1], les poursuivit et était au moment d’achever leur défaite près de Canatha[2], quand l’intervention inattendue d’Anthénion, stratège de Cléopâtre, changea sa victoire en déroute. Un formidable tremblement de terre acheva d’abattre les Juifs. Josèphe prête alors à Hérode un discours d’une éloquence fort médiocre, mais intéressant pour les idées religieuses du temps, et le mélange qui s’en faisait dans l’esprit du demi-juif. A propos du massacre de ses envoyés par les Arabes, il relève le rôle de ces messagers : « Les Grecs, en effet, ont déclaré les hérauts sacrés et inviolables ; et, nous-mêmes, c’est par des envoyés célestes que nous tenons de Dieu nos plus belles doctrines et nos plus saintes lois[3]. » Étant le peuple de Dieu, les Juifs sont assurés de son secours, d’autant qu’ils soutiennent une guerre juste : « Là où est Dieu, là sont le nombre et le courage. » Ce qui est d’une piété très optimiste. Et pourquoi s’effrayer du tremblement de terre ? « Il n’y a là que de simples accidents, des cataclysmes physiques ». Sur quoi Hérode « offrit les sacrifices selon les rites », comme un général grec ou romain ! Mais ici Josèphe a peut-être donné au récit cette allure païenne en suivant sa source inconsciemment.

Meilleur stratège qu’orateur, Hérode défit les Arabes dans une suite de combats, et si complètement qu’ils lui reconnurent une sorte de patronage sur leur nation[4]. De pareils revirements de fortune sont fréquents partout, mais c’est surtout en Orient qu’ils ont toujours amené le remaniement des états. L’énergie et l’habileté d’Hérode avaient agrandi son prestige au moment où il allait lui être le plus nécessaire.

Le deux septembre de cette même année 31, la bataille d’Actium donna à Auguste l’empire du monde romain. Hérode le comprit et que les derniers efforts d’Antoine, enchaîné à Cléopâtre, seraient vains sans dignité.

Aussitôt il changea de camp, et aida Q. Didius, gouverneur de Syrie,

  1. Ou plutôt la ville de Dion dans la Décapole, car on ne connaît pas de Diospolis dans cette région.
  2. Qanāwât.
  3. Ant., XV, v, 3 ; cf. Gal. iii, 19, cité par le traducteur.
  4. προστάτης τοῦ ἔθνους (Ant., XV, v, 5).