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gnant un véritable attachement de cœur pour ce jeune homme si beau, héritier de tant de gloire.

Durant ces derniers jours d’automne, très doux dans la plaine du Jourdain arrosée d’eaux encore tièdes, la cour était descendue à Jéricho.

Alexandra donna un repas au Roi, sans doute au nom de son fils. Le nouveau grand prêtre fut choyé, on le fit boire ; puis vers la fin du jour, le soleil trop ardent ayant disparu au-dessus de Jérusalem, les jeunes gens se jetèrent dans la piscine située à l’entrée des vallées occidentales dont elle recevait les eaux, Aristobule avec eux. On lutta gaiement dans l’eau, à qui plongerait le mieux. De faux amis tinrent la tête du jeune garçon sous l’eau jusqu’à l’asphyxie[1]. Il avait dix-sept ou dix-huit ans. On était en l’an 36 ou 35.

Hérode affecta une violente douleur, puis rendit le pontificat à Ananël.

Alexandra, jusqu’alors sourdement hostile, ne vécut plus que pour se venger. De nouveau elle s’adressa à Cléopâtre, alors mieux placée pour la servir, puisqu’elle avait rejoint Antoine en Asie, et très disposée à nuire à Hérode, dont elle convoitait les états. La reine d’Égypte, en remontrant au patron d’Hérode l’atroce conduite de son protégé, faisait valoir les droits anciens des Ptolémées sur la Palestine. Arrivé à Laodicée, au printemps de 34 av. J.-C., Antoine enjoignit à Hérode de venir se justifier. Ce fut la première crise redoutable dans les rapports du roi juif avec l’empire. Antoine ne se souciait guère des Asmonéens, ses anciens ennemis, et une exécution un peu sommaire n’importait guère à ce proscripteur. Attaché à la famille d’Antipater, comptant sur Hérode dans une situation encore incertaine, il ne songea pas un instant à lui tenir rigueur. Mais Cléopâtre pressait. Il lui accorda Jéricho avec sa palmeraie et ses baumiers, uniques au monde.

Hérode se serait mal résigné à perdre cette villégiature d’hiver. Dépouillé de la propriété, il se fit le fermier de son ennemie.

Il loua donc ce district à Cléopâtre pour deux cents talents. Et comme elle s’était fait aussi adjuger une partie du territoire nabatéen, Hérode s’engagea encore à lui en servir le fermage, aimant mieux courir le risque d’être mal remboursé par les Arabes, que d’admettre si près de lui les agents de la reine[2]. Cléopâtre fut si satisfaite de ses avances qu’elle lui rendit visite à son retour, se montrant aimable à l’excès. Caprice amoureux ? — Non, mais plutôt redoutable intrigue. Cléopâtre eût souhaité

  1. Ant., XV, iii, 3. Dans Bell., I, xxii, 2, Josèphe raconte le fait sans aucun détail et d’une manière un peu différente : « Hérode le fit partir de nuit pour Jéricho, où, sur l’ordre du roi, les Gaulois le plongèrent dans une piscine et le noyèrent ». De cette façon, il eût été difficile à Hérode d’affecter d’être étranger à cette mort.
  2. Cléopâtre s’étant fait de plus céder toute la côte, depuis le fleuve Éleuthère jusqu’à l’Égypte, Hérode perdit alors aussi Gaza (Otto).