Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mère, comme si Hérode tenait ses droits des Asmonéens. Pour le contraindre à nommer Aristobule grand prêtre, il suffisait de gagner Antoine, et Antoine suivait aveuglément ses propres caprices. Elle lui envoya donc le portrait de ses deux enfants, espérant qu’il serait séduit par leur bonne mine, et consentirait à ses désirs[1]. Cet ignoble calcul lui aurait été suggéré par Q. Dellius, ce qui le rend très vraisemblable, car ce romain, dont Josèphe ne dit rien, jouait le rôle d’entremetteur auprès d’Antoine, après avoir été d’abord son favori. Dellius jugeait bien Antoine. Alexandra, comme bien des mères, pensa sans doute que la bonne grâce de ses enfants suffirait à décider ce soudard à accéder à sa demande, car si Aristobule était parti, il n’eût plus été possible de le nommer grand prêtre. Hérode, plus clairvoyant, refusa à Antoine de lui envoyer son jeune beau-frère, alléguant des raisons politiques ; pour couper court à des démarches plus pressantes de son patron et de sa belle-mère, il se résolut à nommer Aristobule grand prêtre. Ce fut certes une de ses bonnes actions, s’il n’avait pas déjà l’arrière pensée de s’en défaire. Josèphe, organe des Pharisiens, lui reproche sévèrement d’avoir enfreint la coutume qui ne permettait pas de déposséder un grand prêtre en charge : le premier exemple de cet abus aurait été donné par Antiochus Épiphane. Mais Aristobule avait destitué son frère Hyrcan, exclu de nouveau par Antigone. Le scrupule des Pharisiens n’émut pas le peuple, qui témoigna de sa joie en voyant le descendant des Macchabées monter à l’autel.

En dépit d’une réconciliation où les reproches s’étaient fondus dans des épanchements très tendres, Hérode ne se fiait pas à sa belle-mère et la faisait surveiller très étroitement. Qu’on imagine une sultane entourée d’espions dans un sérail, luttant de ruses avec le despote qui n’ose la contraindre ouvertement ! Alexandra était en correspondance avec Cléopâtre ; elle se plaignit, comme une femme à une femme, de l’odieuse outrecuidance de ce parvenu, trop honoré d’avoir été admis dans sa famille. Cléopâtre, qui avait son idée, saisit volontiers cette occasion d’intervenir dans les affaires de son voisin. Elle invita Alexandra à la rejoindre avec son fils. Tout était prêt, tout était même en train et les deux fugitifs se croyaient en liberté, quand Hérode, prévenu, fit constater le flagrant délit. Alexandra n’avait rien à craindre tant que Cléopâtre régnait sur Antoine. Elle-même n’était à redouter que par son fils. Cette fois encore on se réconcilia avec effusion. La fête des Tabernacles vint, qui fut un triomphe pour Aristobule. Le peuple lui fit une ovation sans fin, témoi-

  1. Ant., XV, ii, 6. Révoqué en doute par Otto, parce que la Loi ne permettait pas les images. Alexandra était-elle si scrupuleuse ? Que Mariamme ait été accusée ensuite d’avoir envoyé son portrait (Bell., I, xxii, 3) c’est un indice que ces sortes de peintures ne paraissaient pas illégales.