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Dans tout l’empire, et en dépit de la résistance des villes grecques, les Juifs avaient pleine liberté d’exercer leur culte et de se réunir pour cela. Les lois si sévères pour les associations n’avaient pas de force contre eux, même à Rome[1]. Ils n’étaient pas assujettis au service militaire[2].

Ainsi les Juifs, comme nation, étaient censés les amis et les alliés du peuple romain. Dans l’empire le pouvoir comptait sur leur docilité, leur faisait confiance sans les astreindre à l’aider par les armes. Dès lors commença pour eux une situation vraiment privilégiée, qui leur fut toujours garantie. Cependant ils n’étaient pas d’ores et déjà citoyens d’Alexandrie comme Josèphe l’a soutenu d’après une pièce fausse[3], mais il leur était permis d’acquérir le titre de citoyens romains.

Investi de la confiance de César, Antipater y répondit en prêchant partout la soumission aux Romains, et il profita de cette faveur pour avancer sa famille. Ses fils furent nommés stratèges, Phasaël à Jérusalem, Hérode en Galilée. Hérode, âgé de vingt-cinq ans[4], fit ses premières armes contre une bande que Josèphe dit avoir été des brigands, dirigés par un certain Ézéchias. Il le tua avec un bon nombre de ses fidèles. Dans ces termes, l’affaire n’aurait pas dû avoir de suites. Or les grands de Jérusalem se plaignirent, comme si la justice avait été lésée, personne ne devant être mis à mort sans un jugement du sanhédrin. Ils regardaient donc Ézéchias et ses partisans moins comme des brigands armés qu’il faut bien tuer sur place que comme un parti politique. Jaloux du pouvoir croissant d’Antipater et de ses fils, et attachés sans doute à la dynastie asmonéenne qu’on faisait tomber dans le mépris public, ils remontrèrent à Hyrcan que l’occasion était bonne pour ruiner les ambitions d’une maison dont Hérode promettait d’être un chef plus gênant que le sage Antipater. Hérode cité devant la cour de justice de Jérusalem, c’est-à-dire le sanhédrin, demeuré seul debout dans la débâcle des institutions de Gabinius, se présenta en général vainqueur, escorté d’une garde du corps. Un seul sanhédrite, Saméas, où il faut reconnaître le célèbre Chemmaya, ne se laissa pas intimider et grâce à son influence une condamna-

  1. « Car Caïus César, notre général en chef, a interdit par ordonnance la formation d’associations à Rome ; les Juifs sont les seuls qu’il n’ait pas empêchés de réunir de l’argent ou de faire des banquets en commun ». (Ant., XIV, x, 8). Décret en faveur des Juifs de Délos, l’île sainte, où l’on voyait sans doute avec plus de répugnance les Juifs pratiquer leur culte. On a retrouvé dans l’île leur synagogue (RB., 1914, p. 523 ss., La synagogue de Délos, par M. A. Plassart). Cf. Suétone, Caesar, 42 : Cuncta collegia praeter antiquitus constituta distraxit.
  2. Cela dès l’an 49, quand Lentulus fut chargé par le Sénat de recruter dans la province d’Asie deux légions de citoyens romains (Ant., XIV, x, 12).
  3. Ant., XIV, x, 1 ; cf. C. Apion, II, 4. Contesté par M. Chamonard parce que Claude n’en parle pas dans son décret si favorable aux Juifs d’Alexandrie (Ant., XIX, v, 2). La question est tranchée dans le sens négatif par la découverte de la lettre de Claude aux alexandrins ; cf. RB., 1931, p. 273 ss.
  4. Josèphe dit 15, en contradiction avec l’âge de 70 ans qu’il donnera à Hérode à sa mort.