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sur le visage. Avec ses larges pattes, ses courtes jambes, il marche lourdement, se dandinant avec peiné de droite à gauche comme une vieille femme obèse. Sa voix inarticulée, semblable à celle d'un goutteux dont la langue est paralysée, a je ne sais quoi de caverneux : c'est un son guttural qui vient barbotter et s'assourdir dans la large poche qui pend au-dessous de sa mâchoire inférieure. Ajoutez à cette physionomie un front étroit et fuyant, un cerveau peu développé, un long cou qui tient la tète fort éloignée du cœur, plis un œil petit, rond, sans expression, et vous comprendre, que le pélican n'a pas Pair d'un aigle. Cependant il égale on oléine surpasse en grandeur le (Igue. Ce serait le plus grand des oiseaux d'eau, si l'albatros n'était pas plus épais, et si le flamant n'avait pas les jambes beau-coup plus hautes.Mais, en revanche, le pélican a des ailes d'une envergure double de celle des cygnes et des aigles. 61,tee à ces ailes immenses, il se soutient très-aisément et très-long temps, dans son vol. Il se balance avec légèreté. Et cet animal qui, à terre, semble si lourd et si maladroit, est magnifique lorsqu'on le regarde 'daller dans les airs, puis tomber à plomb sur sa proie qui ne peut échapper; car la violence du choc et la grande étendue des ailes qui frappent et couvrent la surface de l'eau, la font bouillonner, tournoyer el étourdissent en mémo. temps le poisson qui dés lors ne peut fuir. C'est de cette manière que les pélicans pèchent Imqu'ils sont seuls; mais en troupe ils savent varier leurs manoeuvres et agir de concert.

M. Poussielgue nous raconte, dans son Voyage en Floride, comment il a assisté à la pèche des pélicans :

« Une cinquantaine de pélicans blancs s'étaient posés en file au milieu d'une crique, plongés jusqu'à mi-corps dans l'eau. lys se tenaient droits, le cou en l'air et au port d'armes, attendant le signal que le chef de la bande ne tarda pas à leur donner, en poussant deux cris formidables, avec une voix ca-verneuse hum Imre! hum torr! Aussitett lu troupe s'ébranla, en buttant l'eau aie, ses ailes déplu∎ées, et eu plongeant le con étendu tm avant. Les deux extrémités de la file asamant plus vite que le centre, les pélicans l'ornaient un vaste croissant qui occupait. lente la surface (le l'anse, et comme la distancé d'un oiseau à l'autre était mesurée et équi-valait exactement à frur envergure, rien ne pouvait franchir ce cercle de becs menat:ants et d'ailes puissantes. Les pétiitns traquaient le poisson. en for-mant avec leurs cent 'ides réunit, un véritable filet, aussi continu el serré qu'un tramail nu seine. Leur cercle se retrécissait peu à peu ; le poisson manquant d'eau voininpro:ait à sauter en l'air et à nager précipitamment, laissant une (ralliée boueuse sur son passage. Alors cinq on sis pélicans, les plus gros, les plus forts de là bande, firent l'office de pécheurs ; immobiles au bout de lause, le, pattes dans l'eau, ils saisirent les poisse', au passage, rl les engloutirent méthodiquement dans l'imorille poche qui pend sous lotir a•sophap.; charma cc temps, leurs associés, qui continuaient u rabattre avec leurs ailes, paraissaient occupés exclusivement de ne pas laisser échapper la proie. »

A suivre.

ERNEST MENAULT