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dre à nos ongles. Sous prétexte de les perfectionner, elle les a laissés croître d'une façon aussi ridicule dans ses intentions que dans ses résultats. Les ongles devenus ainsi beaucoup plus longs qu'il ne convient donnent à la main de l'homme, ou de la femme, l'apparence d'une patte d'unau ou paresseux.

Les ongles trop courts, au contraire, font ressembler les doigts moins à des doigts qu'à d'informes ébauches.

Los ongles d'une contexture épaisse sont l'indice d'une nature peu distinguée.

Ceux qui sont comme attristés d'une bordure noire, sont une enseigne compromettante pour la propreté de la personne à laquelle ils appartiennent.

Enfin, pour les ongles, comme pour tout le reste, on peut dire que l'art consiste moins à embellir la nature, qu'à la cultiver et à la respecter.

Mme  PAPE-CARPANTIER.-



DANS L'EXTREME FAR WEST

AVENTURES D'UN ÉMIGRANT DANS LA COLOMBIE ANGLAISE

CHAPITRE IV

L'ille Vancouver

Il n’y a pas plus d’une quinzaine d’années, les seuls êtres civilisés (si on peut leur donner ce titre) qui s’aventurassent dans les déserts de la Colombie anglaise, étaient les trafiquants et les employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Ils occupaient quelques forts disséminés sur d’immenses espaces et servant de postes avancés au vaste système établi par la Compagnie pour l’exploitation du commerce des fourrures, et vivaient en termes d’amitié avec les membres des nombreuses tribus indiennes qui peuplaient le pays.

Ces forts ont été conservés, mais dans un but bien différent de leur destination première. Quelques-uns d’entre eux forment aujourd’hui le centre de petites villes et, au lieu d’être des entrepôts de fourrures et de pelleteries, contiennent les entrepôts où s’approvisionnent les blancs.

Le pays, au point de vue agricole, offre si peu de ressources, que, selon toute probabilité, aucun changement ne serait venu, pendant un siècle ou deux, changer son aspect primitif, sans les découvertes de l’or faites sur les bords du Fraser en 1858. Aussitôt que le bruit de ces découvertes parvint en Californie, les mineurs accoururent en foule. C’étaient pour la plupart de vrais pionniers américains, entreprenants, expérimentés, et qui poussèrent si avant leurs recherches, qu’en 1861 ils découvrirent le district du Caribou. Ce fut cette même année-là que les premières nouvelles de l’existence de l’or dans la Colombie anglaise parvinrent en Angleterre et y excitèrent l’effervescence dont nous avons déjà entretenu le lecteur.

Un grand nombre de ces premiers pionniers américains sont restés dans le pays, de sorte que la colonie, bien qu’anglaise de nom, se compose d’une population dont la moitié au moins est étrangère à l’Angleterre. Du reste, le caractère cosmopolite commun aux populations de la côte du Pacifique se retrouve là parfaitement marqué: il y a, outre les Américains et les Anglais, des Français, des Allemands, des Italiens, des Espagnols, des Chinois, en un mot des représentants de presque toutes les races humaines.

Il est difficile de concevoir un pays d’une si vaste étendue ayant une si petite proportion de sa superficie propre à l’agriculture. On dirait que, sur ce point du globe, il n’y a que des rocs, des bois de pins et des torrents dévastateurs. Les estuaires des rivières sont bordés sans doute de terres qui pourraient être de la plus grande fertilité; mais ces terres sont couvertes de bois de haute futaie, entremêlés de buissons épais, et les défrichements exigeraient de trop grands travaux et de trop fortes dépenses pour qu’on s’y risquât à la légère. Dans le haut pays, il y a quelques vallées dont les terres arables, d’une étendue relativement insignifiante, offrent un sol tout à la fois léger et fertile. Partout où l’irrigation a été possible, on en a tiré bon parti. Mais quand la fertilité naturelle de ce sol vierge sera épuisée, ce qui ne tardera pas, le malheureux cultivateur trouvera difficilement d’autres terres qui ne soient pas trop éloignées des marchés où il peut écouler ses produits. Quant à fumer les terres dans cette partie du monde, on ne peut même pas y songer: les frais à faire pour cela porteraient les produits de l’agriculture à un prix hors de toute proportion avec ceux du commerce extérieur d’approvisionnement.

La véritable richesse du pays consiste en mines, en bois de haute futaie, en pêcheries, et, sous tous ces rapports, elle offre incontestablement de puissantes attractions au capitaliste disposé à courir la chance de tout perdre ou de faire une fortune considérable.

Pour moi, j’étais pressé de donner suite à mes projets, et je me hâtai d’en conférer avec mon compagnon de voyage. En discutant, nous ne tardâmes pas à nous apercevoir que nos vues ne cadraient nullement. Les miennes—cela tenait sans doute à ce que mon esprit n’avait pas été mûri, comme le sien, par de fréquentes désillusions—étaient d’une nature beaucoup plus aventureuse que les siennes. Il désirait, quant à lui, rester où il était pendant quelque temps et y gagner un peu d’argent, avant de s’ex-